À l'adolescence, il a parcouru plus de 9700 kilomètres pour saisir l'opportunité d'accomplir son rêve de devenir footballeur. À 25 ans, Scotty Sadzoute a connu nombre de hauts et de bas, mais n'a pour autant jamais baissé les bras. Tout vient à point à qui sait attendre.

« Tu as un parcours de vie assez peu commun. Peux-tu m'en parler ?

Je suis né à La Réunion où j’ai intégré le centre élite de Saint-Leu (aujourd'hui appelé la PSL Académie, ndlr) alors dirigé par M. Jacques Lamy. On a fait quelques tournois en métropole et je résidais chez une famille d’accueil. Un jour, je les ai appelés pour leur demander s’ils voulaient bien m’accueillir pour une durée plus importante. Je suis arrivé en août et j’ai intégré le centre de formation du LOSC six mois plus tard, en janvier.

U19, réserve, premier contrat professionnel... au LOSC, ta progression est linéaire. Avais-tu un jour imaginé ce scénario pour ta carrière ?

Pas du tout. Quand j’ai débarqué en métropole, je ne pensais pas que tout irait aussi vite. Quand on sait d’où je viens et où je suis arrivé aujourd’hui, c’est incroyable ! Mais je dois encore travailler, car je n'ai pas atteint ma destination finale. Rien n’est terminé.

À Lille, tu côtoies notamment Marcelo Bielsa. Quel impact a-t-il eu sur ta carrière et sur ta manière de concevoir le football ?

Marcelo a révélé mon véritable poste. À son arrivée, j’étais encore milieu gauche et lui m’a appris ce qu’était véritablement un piston. Savoir attaquer, mais aussi défendre. Il m’a mis en confiance. C’est un coach qui montre sa confiance à ses joueurs. Il me faisait jouer en réserve, mais me montrait, au travers d’analyses vidéo et de sa communication, qu’il me faisait vraiment confiance. Ça m’a beaucoup aidé.

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Marcelo Bielsa a dirigé le LOSC entre juillet et novembre 2017 (Icon Sport)

Quelles étaient ses demandes, tant sur un plan collectif qu’individuel ?

Collectivement, il voulait toujours que l’on soit en mouvement, qu'on ait la possession du ballon ou non. Il fallait constamment être en mesure de proposer une solution à son coéquipier. Ça demandait beaucoup d’efforts, mais c’était son plan. Individuellement, il voulait que j’assure mes centres et insistait sur le fait que je devais utiliser mon point fort, la vitesse, sans pour autant oublier les replis défensifs.

Estimes-tu avoir grandi à ses côtés ?

Beaucoup. J’ai beaucoup appris. On jouait tous les week-ends et chaque lundi, j’avais un rendez-vous individuel de 30 minutes avec lui, il m’expliquait ce que j’avais mal fait, ce que je pouvais faire pour m’améliorer.

Au début de la saison 2018-19, c’est au tour de Christophe Galtier de prendre place sur le banc du LOSC. Tout ne passe pas comme tu l’avais imaginé ?

C’était un petit peu difficile à digérer. Je n’avais pas encore effectué mes débuts professionnels et je savais que l’arrivée d’un nouveau coach pouvait rebattre les cartes. Le staff a fait redescendre tous les jeunes en raison de sa volonté de réduire le groupe. J’ai retrouvé la réserve, mais je savais que je ne devais pas baisser les bras. Un coach comme Marcelo Bielsa m’a fait confiance, je pense donc que j’avais des capacités. Et même si ça n’a pas toujours été simple, je n’ai pas lâché, j’ai continué à bosser.

"Réussir ce qu'on a réussi (...), c'était extraordinaire"

En juillet, tu es finalement prêté à Pau. Comment accueilles-tu ce départ ?

Au début, j’avais un petit peu peur de quitter le LOSC, un club où j’avais grandi. Je ne connaissais pas le National, je ne savais rien de son niveau. Mais honnêtement, y jouer m’a beaucoup aidé, notamment à gommer certaines lacunes.

À Pau, vous (l'équipe, NDLR) accrochez la première montée du club en Ligue 2. Qu’est-ce que ça te fait d’avoir marqué l’histoire de ce club ?

C’est incroyable. Ce n’était pas du tout notre objectif premier. Personnellement, je voulais prendre de l’expérience, jouer en National, revenir à Lille et leur montrer qu’ils pouvaient compter sur moi. Tout ne s’est pas passé comme prévu, mais réussir ce qu’on a réussi, avec de superbes supporters, dans une ville magnifique, c’était extraordinaire.

À ton retour de prêt, tu signes pour 3 saisons avec l’OH Leuven. Entre juillet 2021 et janvier 2022, tu sembles totalement écarté du groupe et totalise qu’une seule apparition dans le groupe professionnel. Comment expliques-tu cela ?

Quand je suis arrivé en Belgique, je pensais que j’allais continuer mon ascension, notamment parce que j’avais disputé 35 matchs complets en Ligue 2. Je voulais continuer à progresser dans un autre club. Mais une fois là-bas, je me suis aperçu que le coach avait déjà son joueur et qu’il ne voulait pas me donner ma chance. Notre relation n’était pas bonne, mais j’en ai fait abstraction et j’ai continué à travailler.

Tu es ensuite prêté à Nîmes pendant 18 mois. Si tu n’y es pas toujours titulaire (13 titularisations en 31 apparitions), tu as quand même du temps de jeu. Qu’est-ce que cette expérience t'a apporté ?

Après six mois sans jouer, retrouver le terrain m’a fait beaucoup de bien. J’ai pris du plaisir à redécouvrir la Ligue 2. C’était vraiment quelque chose de positif pour moi.

On sait que le Nîmes Olympique traverse actuellement une période très difficile, tant sur le plan sportif qu’extra-sportif. Quelle est ta vision vis-à-vis de la situation ?

Je continue à suivre leurs matchs, leurs résultats. Ce qui arrive au club est malheureux. J’aurais préféré que ça se passe autrement et je pensais que tout allait s’arranger, que l’équipe allait sortir la tête de l’eau. Mais les conditions ont fait que ça n’a pas été rendu possible jusqu’à présent.

En janvier dernier, tu es malheureusement victime d’une rupture des ligaments croisés du genou droit. Que ressens-tu à l’annonce du verdict des médecins ?

Je le vis très mal. Ce n’est pas une blessure commune. J’ai connu de nombreuses complications. Les trois premiers mois ont été très difficiles, j’étais au fond du trou. J’ai pu sortir de cette mauvaise passe grâce au soutien de ma femme et de ma famille.

Tu as été suivi par un psychologue durant cette période ?

En aucun cas. J’ai fait la quasi-intégralité de ma rééducation à Capbreton où j’étais entouré d’une équipe compétente. Ils ont su me rassurer, me dire que tout irait bien, ça m’a permis de tenir.

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Scotty Sadzoute compte 62 matchs de Ligue 2 à son actif (Icon Sport)

Comment se déroule ta convalescence ?

Au début, c'était compliqué. J’ai eu un problème au niveau du nerf du releveur, mon pied ne bougeait plus, il m’était impossible de le relever. Heureusement, c’est revenu progressivement, j’ai travaillé dessus et j’ai essayé de faire abstraction en me focalisant sur mon genou. Aujourd’hui, j’estime être à 80% de mes capacités au niveau du pied et j’en suis très content.

De retour de blessure, sans avoir disputé la moindre minute en Belgique et sous les ordres d’un nouvel entraîneur, on imagine que tu pourrais avoir une certaine appréhension ?

C’est sûr. Comme j’en ai parlé avec le club, mon objectif est de revenir à 100%. Il est prévu que je retrouve du rythme avec la réserve. J’ai un nouveau coach, s’il a besoin de moi, je répondrai présent.

C'est désormais l’envie de faire tes preuves qui te pousse ?

Je veux montrer de quoi je suis capable, qui je suis. J’ai aussi une revanche à prendre.

Je sais que tu possèdes un tatouage de la Ligue des champions. C’est l’un de tes principaux objectifs ?

Oui. Ce n’est pas un rêve, c’est vraiment un objectif que je veux atteindre. J’espère que ça arrivera bientôt.

Pour conclure, j’aimerais savoir quel est le joueur avec lequel tu as joué qui t’a le plus impressionné.

Je dirais Nicolas Pépé. À l’entraînement, étant donné qu’il jouait sur mon côté, j’étais souvent confronté à lui. Et je peux te dire que c’était dur de défendre face à lui. »