En France, l'Euro 2024 n'aura pas enthousiasmé grand-monde. La faute à un contexte politique, peut-être, très pesant. Mais pas que. La faute, aussi, au jeu peu attractif de l'équipe de France de Didier Deschamps, qui n'aura cette fois-ci pas porté ses fruits. Tout le contraire de l'Espagne, la meilleure équipe du tournoi, qui aura su allier le beau jeu, l'efficacité et les résultats. Un parcours exceptionnel récompensé à Berlin face à l'Angleterre, finaliste mais elle aussi décevante. Le sacre espagnol est surtout le fruit d'un travail de longue haleine, d'une philosophie et d'un projet de jeu, et d'un pari sur le collectif.
L'Espagne, par amour du jeu
Comme tant de nations, l'Espagne a connu un trou de générations. Normal, après les Xavi, Iniesta, Villa, Fabregas, Puyol, Ramos ou encore Casillas. Championne d'Europe en 2008 et en 2012 et championne du monde en 2010, la Roja avait pris la porte dès le premier tour en 2014, avant d'être éliminée en huitièmes de finale en 2018 et 2022. À l'Euro, les Espagnols n'avaient pas fait le poids en huitièmes de finale en 2016, avant d'atteindre la demi-finale en 2021. Ce retour sur le devant de la scène a été confirmé par la victoire en 2023 en Ligue des nations. Le tout, en misant sur un jeu de possession. Parfois ennuyant, parfois stérile, mais un football que les Espagnols connaissent, des catégories de jeunes aux équipes professionnelles.
Un football et une philosophie que la Roja n'a jamais lâché. De Vicente Del Bosque à Luis de la Fuente en passant par Julen Lopetegui et Luis Enrique. Ce dernier, fortement critiqué pour son jeu stérile, aura lui aussi contribué au sacre des Espagnols à Berlin. Mais en Allemagne, l'Espagne a aussi pris le contrepied sur de nombreuses autres nations, lesquels ont misé sur le talent individuel et sur les exploits de leurs stars. Pensez à l'Angleterre, le Portugal et l'équipe de France. Des Anglais qui ont profité d'un tableau très abordable pour accéder à la finale, sauvés par Jude Bellingham en huitièmes de finale face à la Slovaquie. Les Portugais, eux, ont longtemps espéré un coup d'éclat d'un Cristiano Ronaldo hors de ses pompes. Chez les Bleus, le "tout Mbappé" n'a pas fonctionné, et le jeu proposé par les hommes de Didier Deschamps a laissé à désirer. Pour rester gentil.
La force d'un collectif
L'Espagne, elle, n'a pas de stars à proprement parlé. Lors de l'Euro 2024, elle s'est appuyée sur une force collective et sur ses principes de jeu. Elle a également prouvé que l'important n'était pas les joueurs mais bien l'animation et les idées apportées. Marc Cucurella, décrié à Chelsea, a mis le costume du meilleur Jordi Alba sur son côté gauche, allant même jusqu'à offrir la balle du titre à Mikel Oyarzabal. Le Basque, entré en jeu à la place du capitaine Álvaro Morata, pour se balader entre les défenseurs anglais avant de piquer. Un joueur que Luis de la Fuente connaît par cœur pour l'avoir côtoyer de nombreuses années en équipes de jeunes espagnoles.
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Martin Zubimendi a dû enfiler les crampons à la mi-temps de la finale pour remplacer ni plus ni moins que le meilleur joueur de la compétition, Rodri. Et il a largement fait le boulot. Parce qu'il savait parfaitement ce qu'il devait faire et ce qu'attendait de lui son sélectionneur. Dani Olmo a remplacé Pedri en quarts de finale contre l'Allemagne, mais a rapidement fait oublier le crack du Barça. Buteur en quart de finale, en demie, il aura également été omniprésent en finale.
L'Espagne, des cadres et des cracks
Face aux Bleus, sans Robin Le Normand et Dani Carvajal, la Roja avait de quoi trembler. Mais Jesus Navas a fait sa part du travail jusqu'à ce que son corps dise stop, pendant que Nacho faisait du Nacho dans l'axe. En Allemagne, l'Espagne s'est appuyé sur une colonne vertébrale, des cadres et des cracks. Les cadres que sont Dani Carvajal, Rodri, Fabian Ruiz et Álvaro Morata. Des joueurs qui n'auront jamais compté leurs efforts, avec ou sans ballon.
Et contrairement aux années précédentes, la Roja a aussi pu compter sur deux immenses cracks : Nico Williams et Lamine Yamal. Amis dans la vie, les ailiers sont tout ce qui manquait à l'Espagne depuis tant de temps. De la percussion, de la personnalité, du dribble et de la spontanéité. Les profils parfaits pour bonifier le travail exceptionnel de la machine à laver Rodri, et des rampes de lancement que sont Fabian Ruiz, Pedri ou encore Dani Olmo. N
À 22 et 17 ans, ils sont les talents d'aujourd'hui et de demain de la Roja. Cependant, ils sont déjà champions d'Europe. Buteurs en demi-finale et en finale notamment, ils auront fortement contribué au sacre de l'Espagne. Le joueur du Barça, meilleur jeune de la compétition, a traversé l'Euro en battant record sur record. Y compris celui de Pelé. Le tout, portés par un immense joueur, Rodri, que Luis de la Fuente aimerait voir remporter le Ballon d'Or. Le Cityzen, désigné joueur de la compétition, a tout de suite montré ses coéquipiers. Prime au collectif. Prime au jeu. Chapeau, Messieurs.