Ils ont été seize à se succéder. 16 entraîneurs du FC Nantes en même pas 14 ans. Le chiffre est terrible, et illustre l'incapacité de Waldemar Kita à donner de la stabilité à cette fonction essentielle. Mais voilà : le président du FC Nantes fait un peu comme bon lui semble au moment de choisir (et virer) ses entraîneurs. En réalité, Kita n'a aucune ligne de conduite. Le seul critère qui entre en compte est de créer de l'émulation autour du club. Qu'on parle du FC Nantes. En bien ou en mal, peu importe.
Les raisons derrière l'impensable choix Domenech
Samedi 26 décembre, la nouvelle tombe : Raymond Domenech est le nouvel entraîneur du FC Nantes. Improbable. Presque grotesque. Un mois et demi plus tard, le couperet tombe : l'ancien sélectionneur de l'équipe de France est débarqué. Le scénario était écrit d'avance, et personne n'a pensé un instant que la mayonnaise allait prendre. Cela faisait 10 ans que Raymond Domenech n'avait pas entraîné. La dernière fois, c'était lors du terrible épisode de Knysna avec les Bleus. Encore plus risible : sa dernière victoire en Ligue 1 en tant qu'entraîneur remonte à... 1993. Il y a 28 ans donc.
Alors comment expliquer ce choix de Waldemar Kita ? Pourquoi confier les rênes d'un club mythique comme le FC Nantes à un homme majoritairement honni par les Français, et dont l'incompétence a été soulignée par bon nombre de ses anciens joueurs ? La réponse est simple : Kita voulait faire un "coup médiatique". "Raymond Domenech au FC Nantes" ! Toute la presse sportive, et même généraliste, n'a parlé que de ça pendant des semaines.
Le FC Nantes est heureux de pouvoir compter sur l’expérience de Raymond Domenech pour la suite de la saison 2020-2021. C’est un choix mûrement réfléchi. Je suis convaincu des qualités que peut apporter l’ancien sélectionneur de l’Équipe de France, habitué au haut niveau, à notre club.
Waldemar Kita, dans un communiqué du FC Nantes annonçant la venue de Raymond Domenech
Domenech, le pari "réussi" de Kita
Le mélange des genres entre ce club mythique, qui a construit sa réputation sur le beau jeu, et cet entraîneur retraité de presque 70 ans, décrédibilisé et raillé de toutes parts, était trop ahurissant pour être passé sous silence. Les moindres gestes, les moindres paroles de Domenech ont ainsi été relayés jusqu'à son éviction. Et ce feuilleton croustillant, tantôt trop comique ou trop tragique, a monopolisé l'attention. Kita a gagné son pari : voilà le FC Nantes remis au centre du jeu médiatique, alors que les résultats sportifs moribonds des Canaris ne le lui auraient jamais permis.
Le boss franco-polonais suit la même recette depuis une décennie. Il se moque bien de savoir ce que son entraîneur va apporter sportivement à l'équipe. Ce que sa nouvelle victime va réaliser pendant son mandat n'est qu'un bonus. Ce qui compte, c'est en quoi son arrivée et son départ vont faire du bruit.
Les marionnettes du "Kita circus"
Kita choisit donc souvent des noms marquants, qui parlent au grand public (Claudio Ranieri, Vahid Halilhodžić, Raymond Domenech, Christian Gourcuff et désormais Antoine Kombouaré). Et quand "le gratin" est pris, l'homme d'affaires se rabat sur des paris, des entraîneurs étrangers relativement inconnus et prêts à imposer une vision du foot qui détone en Ligue 1 (Sergio Conceição, Miguel Cardoso).
L'idéal, bien sûr, est que le personnage soit haut en couleur, doté d'une forte personnalité. Qu'il s'accroche avec ses joueurs, qu'il fasse parler de lui pour ses déboires ou ses frasques. C'est dans ce cadre que Kita fait des pieds et des mains pour attirer le légendaire Vahid Halilhodžić en 2018.
« Quand Ricardo revient à Bordeaux, on en parle une journée. Vahid, cela fait quinze jours qu’on ne parle que de lui. Il y a toujours un nouvel épisode, c’est “Vahid fait des pompes”, “Vahid parle à ses joueurs”... »
Christophe Pignol, champion de France avec Nantes en 1995, au journal Le Monde
Champion de France avec les Canaris en 2001, Nicolas Savinaud résume l'idée générale : "Ça correspond tellement au personnage Kita d’aller chercher quelqu’un de presque plus clivant que lui" (RMC Sport). Au fond, le président du FC Nantes gère son club comme l'homme d'affaires qu'il est : pour survivre, pour rester dans l'imaginaire collectif, il faut faire parler de soi. Même si on est la risée de tout le monde.