Kingsley Coman piston droit de l'équipe de France. Cette idée sortie du chapeau de Didier Deschamps, personne n'avait osé l'espérer de la part d'un sélectionneur obsédé par "l'équilibre" , et qui persistait à maintenir Benjamin Pavard à ce poste. Mais le sélectionneur a agréablement surpris ses détracteurs en confiant cette tâche à Coman contre le Kazakhstan (8-0). Une tentative tellement réussie que tous les fans des Bleus ne rêvent plus que d'une chose : que cette expérience soit reconduite, au point de devenir une habitude.
Mais au-delà des paillettes, au-delà des dribbles et des accélérations foudroyantes de Coman, l'ailier du Bayern a-t-il vraiment la tête de l'emploi pour ce poste si particulier ? On peut en douter, même s'il fait figure de solution miracle contre les nations les plus défensives.
Coman avec Deschamps : un coup c'est oui, un coup c'est non ?
En conférence de presse ce lundi 15 novembre, Didier Deschamps a résumé l'équation. Kingsley Coman piston droit ? "Dans l’absolu oui, c’est une option. C’est un rapport de force, mais qui dit rapport de force… si je pense qu’il est plus de notre côté dans cette configuration, je serai amené à prendre la même décision. Si Kingsley a un offensif avec le même registre en face, en revanche, ça reste à voir. Cela demande des compensations, et d’une défense à trois, on peut se retrouver à quatre. Deux options offensives sur les côtés, en général c’est plutôt une seule" . En clair : Kingsley Coman contre les équipes qui garent le bus, c'est un grand oui. Mais Kingsley Coman contre les grosses nations qui ont du lourd en attaque, c'est trop risqué. Le joueur de 25 ans est-il donc condamné à un statut d'intermittent du spectacle en équipe de France ?
L'exemple Yannick Carrasco (Belgique)
Pour bien saisir la complexité du sujet, un exemple parfait offre une grille de lecture optimale : Yannick Carrasco. Comme Coman, le Belge est un ailier gauche utilisé comme piston en club (Atlético), mais aussi en sélection. Et cela fait 3 ans que ça dure, hormis quelques exceptions. Et à la différence de Deschamps, Roberto Martinez n'hésite pas à aligner son joueur contre des grosses nations comme... la France, en demi-finale de la Ligue des nations (2-3). La performance de Yannick Carrasco contre les Bleus permet d'ailleurs d'appréhender tous les atouts et les limites de cette option.
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Comme Coman, Carrasco est un ailier très rapide et redoutable dans le un contre un. Les Français qui ne le connaissaient pas ont vite compris à qui ils avaient à faire. C'est lui qui avait ouvert le score contre les Bleus, après avoir effacé Benjamin Pavard (tiens donc) sur son aile gauche. Grâce à sa faculté d'élimination, Carrasco est un petit bijou au niveau international, où les défenses sont souvent regroupées et cadenassées. Face aux Bleus, c'est encore lui qui avait fait le bon appel et le bon centre sur son côté pour trouver victorieusement Lukaku (86e). Heureusement pour la France, le but avait finalement été refusé pour hors-jeu.
Avaler les kilomètres et les allers-retours, la dure vie d'un piston
Mais en bon attaquant qu'il est, Carrasco est naturellement attiré vers l'avant. Il laisse donc sa défense plus exposée en cas de contre-attaque. L'avantage avec ce genre de profil, c'est qu'il compense ses retards par sa vitesse et son explosivité. Deux qualités extrêmement précieuses à ce poste où le moindre mètre gagné peut être crucial pour empêcher un centre ou un débordement. Deux qualités que possèdent naturellement Kingsley Coman, à l'inverse de Benjamin Pavard...
Mais à ce poste, la faculté à gagner ses un contre un en défense est aussi déterminante. La France le sait mieux que personne après les déboires de Benjamin Pavard en Ligue des nations, donc, mais aussi à l'Euro contre la Suisse du diabolique Steven Zuber. A ce poste, un duel perdu peut se payer cash.
Mais cette fonction de piston demande aussi une autre qualité essentielle. A savoir cette capacité à répéter les longues courses, à faire l'essuie-glace, à balayer son couloir jusqu'à la nausée. Une endurance que ne possèdent pas des ailiers de formation comme Kingsley Coman, à l'inverse d'un Benjamin Pavard. Et même si Carrasco a dû souffrir pour se faire à son nouveau poste, il ne possède pas encore les standards optimaux requis. En fin de match contre la France, usé par ses allers-retours constants, le joueur de l'Atlético n'avait pas eu la force de rattraper... Benjamin Pavard, qui avait galopé comme si de rien n'était sur son couloir pour amener le but vainqueur de Theo Hernandez.
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Coman hors course ?
C'est ainsi que, malgré tous les fantasmes que l'option Kingsley Coman font naître, Didier Deschamps se montre plutôt réservé. Et la situation du Parisien au Bayern ne l'incite pas à se montrer moins méfiant. Avec le Rekordmeister, Coman a l'habitude de jouer très haut, sans qu'on l'oblige à revenir défendre près de sa surface. Il faut dire que "le King" est protégé par un latéral droit qui n'est pas du genre à laisser son couloir déserté : un certain Benjamin Pavard... Coman est plutôt invité à se concentrer sur le contre-pressing. A savoir multiplier les courses très intenses et souvent vers l'avant à la perte du ballon, plutôt que d'empiler les longues chevauchées de repli.
De plus, chaque poste a ses spécificités qu'il convient de maîtriser, surtout au niveau international où le moindre détail est vital. La moindre erreur de placement, le moindre geste mal maîtrisé, le plus petit manque d'automatismes peut être sanctionné par la manière forte. Et faut-il le rappeler, Kingsley Coman évoluait à un poste qu'il découvrait contre le Kazakhstan, même s'il en avait eu un avant-goût contre Fribourg (2-1) en Bundesliga.
Dos au mur, Coman doit se révéler
Face à une opposition internationale plus relevée, le manque de repères du dragster pourrait vite devenir criant. Et à un an de la Coupe du monde, alors que le Bayern n'évolue que de manière occasionnelle avec des pistons (sans que le Français soit le premier choix), les occasions seront trop rares pour que Coman s'adapte à toutes les exigences du poste.
Reste que le principal intéressé sait qu'il tient là sa seule chance d'avoir un rôle majeur à jouer en Bleu, et qu'il est sans doute prêt à tout pour la saisir ("j'avais à coeur de montrer que ce positionnement peut être une option" , confiait-il à RTL ce lundi 15 novembre). Kingsley, la balle est dans ton camp.