Le football végète aux JO dans un silence assourdissant
Le football est le sport le plus populaire du monde. Mais aux Jeux Olympiques, il fait quasiment figure de sport le plus impopulaire. Et ce quel que soit le pays. La France, pourtant présente à l’événement pour la première fois depuis 25 ans, ne se presse pas pour suivre les pérégrinations d’André-Pierre Gignac et ses compagnons au Japon. Les rares qui daignent s’intéresser à ces Bleus ne le font que d’un œil distrait, sans aucune émulation.
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Le Guardian, lui, rappelle la platitude de l’édition 2012 à Londres. Dans le berceau du football, l’équipe de Grande-Bretagne avait pour mission de "ramener le foot à la maison." Le symbole aurait été si beau. Mais au fond, personne n’avait investi les Three Lions de cette mission aux JO. Personne n’attendait rien de cette équipe au Royaume-Uni. "Dans le stade olympique, Mo Farah venait de remporter sa course d’athlétisme" , se remémore le journaliste du Guardian. "Et puis quelqu’un dans la foule a lancé que l’équipe de Grande-Bretagne de football venait de perdre son quart de finale aux tirs au but contre la Corée du Sud, à Cardiff, au pays de Galles. Tout le monde a éclaté de rire."
Aux JO, le football n'est que l'ombre de lui-même
Comment en est-on arrivé là ? Comment le sport le plus populaire du monde se retrouve-t-il le vilain petit canard de l’événement sportif le plus suivi de la planète ? Le nœud du problème tient en grande partie dans la relation distendue entre le Comité International Olympique (CIO) et la FIFA. Afin de conserver le principe d’amateurisme longtemps défendu par les JO et pour en faire en sorte que le football-roi ne soit pas l’attraction principale de l’événement, le CIO a imposé une limite d’âge aux joueurs (moins de 23 ans). Pour "se venger" , la FIFA a décidé de ne pas reconnaître les JO et de ne pas l’inclure dans les dates de ses compétitions. Les clubs ne sont ainsi pas obligés de libérer leurs joueurs pour l’événement, ce qui fait que la France se retrouve au Japon avec une équipe D ou E. Et ce n’est pas un cas isolé : l’Allemagne s’est retrouvée dans la même situation.
De plus, le processus de sélection obscur laisse plusieurs nations majeures sur le carreau. Les Pays-Bas, l’un des grands pays de football, n’a participé qu’une fois aux JO. L’Italie, de son côté, n’a plus pris part à l'événement depuis 2008. La Grande-Bretagne et le Portugal sont également absents cette année. Et les sélections qui sont de la fête ne partent même pas sur un pied d’égalité. Tandis que la France a donc dû dépêcher une équipe composée de bouche-trous, l’Espagne a envoyé ses meilleurs jeunes au combat (Pedri, Oyarzabal, Olmo, Asensio, Pau Torres…). Et encore, ceux-ci sont pour la plupart épuisés par leur interminable saison en club. Quelle saveur aura cette médaille d’or par rapport aux autres disciplines, où le grand vainqueur sera le rescapé d’une battle royale de surhommes qui se préparent pour cette confrontation au sommet depuis quatre ans ?
Supprimer le football des JO, ou le réformer
Il faut donc en finir avec cette mascarade. Les Jeux Olympiques sont une allégorie du sport de haut niveau. Les notions de performance, de dépassement, de compétitivité, de quête du grandiose y sont poussées à leur paroxysme. Le football, lui, ne peut pas remplir ces objectifs dans ces conditions. Il est traité comme s’il était un paria alors qu’il est sport olympique depuis la première édition des JO en 1896. Le réduire à ce rang, c’est le décrédibiliser. Pire, l’humilier.
Si le football est présent aux JO, alors il doit pouvoir bénéficier des mêmes conditions d’expression que les autres sports. Autrement, il ne fait que desservir la cause de l’olympisme. Un choix radical s’impose donc. Soit l’on supprime le football des JO, soit on le loge à la même enseigne que les autres disciplines. Et si l’on objecte que le football dans sa version pure risque d’éclipser les autres sports des JO, il faudrait au moins pouvoir réunir les meilleurs joueurs de 23 ans (et supprimer le quota des "trois vieux briscards") pour assumer cet accent mis sur l’insouciance de la jeunesse. Mais une chose est sûre : cet entre-deux moribond n’a pas sa place aux JO. Malgré toutes les prouesses et l’héroïsme d’André-Pierre Gignac.