"Nous voulons gagner la Premier League d'ici 5 à 10 ans." Par la voix de la néo-présidente déléguée Amanda Staveley, les nouveaux propriétaires de Newcastle ont clamé haut et fort leurs ambitions. Il faut dire que le rachat du club par un consortium contrôlé en majorité par le Fonds public d'investissement saoudien (PIF) ouvre la porte aux rêves les plus fous. Le PIF dispose en effet de réserves évaluées à 400 milliards d'euros, et ne se montrera pas chiche au moment d'en investir une partie chez les Magpies. Un premier "cadeau" de 220 millions d'euros devrait d'ailleurs être offert pour renforcer l'équipe lors du mercato hivernal, selon The Telegraph.

Alors faut-il s'attendre à des mercatos suivants encore plus démentiels ? Newcastle pourra-t-il à recruter les meilleurs joueurs les doigts dans le nez ? Et surtout, cela sera-t-il suffisant pour régner sur l'Angleterre et l'Europe ?

Newcastle, en route vers les succès ? Icon Sport
Newcastle, en route vers les succès ? Icon Sport

Pour Newcastle, la voie des millions est libre

Première chose à mettre au clair : oui, Newcastle a les coudées franches pour claquer des montants records, sans craindre de se faire taper sur les doigts par les autorités. Tout d'abord, les Magpies n'ont pas à se soucier du fair play financier puisqu'ils ne disputent pas de Coupe d'Europe. Ensuite, le cadre financier imposé par la Premier League est loin d'être drastique. Comme le rappelle Eurosport, le championnat anglais autorise une dette de 123 millions d'euros sur une période de trois ans et ne prend pas en compte les pertes subies en raison de la pandémie du Covid-19.

D'autre part, le PIF hérite d'un club qui fait figure de bon élève en matière de gestion financière. Grâce à la politique de rigueur de l'ancien président Mike Ashley, Newcastle a réalisé un bénéfice global de 44 millions d'euros lors des trois dernières années. Les Magpies sont donc loin d'être dans le viseur des autorités et peuvent s'appuyer sur leur bon ratio dépenses / recettes pour investir sans bâtons dans les roues.

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L'ancien propriétaire Mike Ashley a laissé un club sain financièrement. Icon Sport

"Le PIF n’a pas pour ambition de dépenser de l’argent et de le jeter par la fenêtre"

Ainsi, la voie est libre pour Newcastle ! Néanmoins, plusieurs éléments viennent contrecarrer l'hypothèse que les Magpies fassent pleuvoir les transferts astronomiques dans les prochains mois. Car si Newcastle le peut, ce n'est pas forcément ce qu'il veut... C'est ce qu'affirme Jean-Baptiste Guégan, spécialiste de la géopolitique du sport, à RMC.

"Il faut rappeler que le PIF, c’est un fonds souverain, c’est-à-dire qu’il a pour objectif d’être rentable. Il doit financer le pacte social saoudien, comme le fait que les Saoudiens ne paient pas d’impôts. Le PIF doit aussi financer les travaux d’infrastructures. Il n’a pas pour ambition de dépenser de l’argent et de le jeter par la fenêtre. En le faisant, cela remettrait en cause l’avenir du royaume."

Jean-Baptiste Guégan, spécialiste de la géopolitique du sport, à RMC

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Yasir al-Rumayyan, le nouveau président non exécutif de Newcastle, agit selon la politique voulue par Mohammed ben Salmane, le prince héritier d'Arabie Saoudite. DR

D'autre part, la stratégie que l'Arabie Saoudite cherche à mener dans le monde du sport n'entre pas non plus dans cette logique. "Contrairement au Qatar, la stratégie saoudienne n’est pas une stratégie de survie. Le royaume saoudien veut montrer qu’il est moderne, s’ouvrir au monde du XXIe siècle. Si c’est pour donner l’image d’un pays arrogant en jetant l’argent par les fenêtres, ce n’est pas le meilleur moyen de faire venir des touristes ou des investisseurs sérieux en Arabie saoudite" , poursuit Jean-Baptiste Guégan.

Newcastle ne veut pas mettre la charrue avant les bœufs

De plus, le renforcement de l'équipe première au moyen de transferts coup de poing n'est pas (encore) une priorité pour Newcastle. "Nous allons devoir construire des bases solides avant d'aller plus loin" , a posé la présidente déléguée Amanda Staveley auprès du média local Chronicle. Et pour cause : en refusant d'injecter de l'argent dans les Magpies, l'ancien patron Mike Ashley a laissé un club en retard à bien des niveaux.

"Il y a beaucoup à faire, pas seulement améliorer l’équipe" , confirme Graeme Bell, membre du board du NUFC Supporters Trust, une association de supporters du club, auprès de So Foot. "Si vous regardez notre terrain d’entraînement, vous revenez dans les années 1980. Les infrastructures sont comparables à celles d’un club de League One." Un autre supporter des Mapgies dévoile un autre témoignage édifiant auprès du média français : "il y a quelques années, on voyait nos joueurs dans des poubelles ou dans des petites piscines de chez Aldi avec des glaçons à l’intérieur, quand les autres clubs avaient de vraies infrastructures..."

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Amanda Staveley, la nouvelle présidente déléguée de Newcastle, est chargée de la gestion du club. Elle souhaite "construire des bases solides" avant de voir plus grand pour abreuver l'équipe première de stars. Icon Sport

Ces problèmes, Amanda Staveley en a bien conscience. La présidente déléguée a ainsi promis que les investissements se concentreraient d'abord sur les fondamentaux. "Ce que je veux faire, c'est investir dans l'Académie (le centre de formation). C'est important, tout comme le football féminin. Je veux voir plus d'enfants d'ici jouer pour Newcastle. Nous avons une histoire incroyable de joueurs locaux qui sont des mythes comme Alan (Shearer). Il s'agit de construire une base solide à tous les niveaux, de l'Académie à l'équipe première."

Les exemples PSG et Manchester City incitent à la prudence

L'Histoire appelle aussi la prudence. Le passé récent a montré que le PSG et Manchester City, rachetés respectivement en 2011 et 2008 par le Qatar et un cheick émirati, ne sont toujours pas parvenus à leurs fins (remporter la Ligue des champions) malgré des transferts clinquants d'entrée de jeu. Newcastle ne devrait pas tomber dans ce piège, d'autant que le club part de beaucoup plus loin. Voir trop grand trop vite risquerait d'occasionner un sérieux retour de bâton à un club qui n'est pas du tout préparé aux sommets.

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Manchester City n'a toujours pas gagné la Ligue des champions malgré son rachat en 2008 par le Cheikh Mansour. Icon Sport

"Bien sûr, nous avons les mêmes ambitions que Manchester City et le PSG en termes de trophées, mais cela prendra du temps" , a raisonné Amanda Staveley. D'autant que Manchester City, lui, bénéficiait déjà d'une équipe robuste avant son rachat. Newcastle, lui, lutte depuis des années pour la relégation et ce n'est pas un hasard au vu de son effectif...

S'imposer comme un géant d'Angleterre, ce n'est pas pour tout de suite...

Cette situation est d'ailleurs une vraie épine dans le pied des nouveaux propriétaires pour leurs ambitions. Au-delà des carences de ses infrastructures et de son effectif, Newcastle est une ville isolée au nord-est de l'Angleterre, dans une région peu attrayante. Elle est très loin d'avoir l'attractivité de Londres, Manchester ou Paris, et il faudra donc se montrer extrêmement convaincant (financièrement) pour attirer des joueurs de renom. Mais comme les exemples PSG et Manchester City ayant montré que l'accumulation de stars ne suffit pas pour garantir le succès, Newcastle ne devrait pas suivre cette voie tout de suite.

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Philippe Coutinho (Barça) est l'une des cibles de renom de Newcastle. Icon Sport

Il s'agira plutôt de procéder par étapes dans le renforcement de l'effectif, de la même manière que pour les objectifs sportifs. A savoir passer d'un club de bas de tableau à un club de milieu de tableau, puis se mêler à la lutte pour les places européennes et enfin s'attaquer à un Big Four (Chelsea, Manchester City, Liverpool, Manchester United) qui semble encore à des années-lumière des Magpies. En clair : "gagner la Premier League d'ici 5 à 10 ans" est sans doute un vœu pieux. Alors l'Europe et la Ligue des champions...