Dimanche, c’est un véritable drame qui s’est produit aux abords du Stade Vélodrome. La soirée devait être festive et engagée. Elle aura été tout l’inverse. Le bus transportant la délégation de l’OL, qui s’apprêtait à défier l’OM, a été caillassé dans les rues marseillaises. Les vitres, qui par précaution avaient été doublées, ont lâché et entraîné de terribles blessures au visage de Fabio Grosso et Raffaele Longo – un de ses adjoints. Sans surprises, une cellule de crise s’est réunie et a établi que l’affiche de la dixième journée de Ligue 1 devait être reportée. Une décision aussitôt justifiée par François Letexier, l’arbitre de la rencontre, et qui laisse place à un grand flou quant à l’avenir de cette affaire.

Des sanctions, il y en aura. Lesquelles ? De qui ? Contre qui ? Cela reste en revanche à déterminer. Avec l’expertise de João Gonçalves, avocat spécialisé dans le droit du sport et associé du cabinet BGSL, la rédaction de Foot11.com a essayé d’y apporter des réponses.

La Commission des Compétitions saisie

Dans son communiqué de réaction, la Ligue de Football Professionnel a engagé la Commission des Compétitions. Elle dispose d'un "pouvoir de sanction administrative". Dans les jours et semaines à venir, en étroite collaboration avec la justice, l'organe de la LFP devra trancher sur les sanctions à prendre. Mais avant, il faut à tout prix déterminer le degré de responsabilité de l'Olympique de Marseille.

Le règlement de la Ligue est très clair. "Le Club visité est tenu pour responsable des incidents qui peuvent se produire dans l’enceinte du stade", peut-on lire dans ledit règlement. Sauf qu'ici, les faits reprochés sont survenus sur la place publique, en dehors de l'antre phocéen. Et là aussi, le texte est explicite : "En cas de manifestations hostiles aux arbitres, aux délégués, aux joueurs et dirigeants de l’équipe visiteuse, ainsi qu’aux supporters, il doit, avec le responsable des forces de police, prendre toutes dispositions utiles pour assurer la protection des personnes visées, même à l’extérieur du stade".

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Le Stade Vélodrome, le terrain de jeu de l'OM. (IconSport)

L'OM est-il responsable ?

En réalité, c'est plus complexe que cela. "Ils (les responsables, ndlr) ont vu que rechercher la responsabilité des Clubs, ce n’était pas forcément efficace", nous a expliqué Maître Gonçalves. Pour cause, l'OM est incapable d'assurer la sécurité dans son stade et, en même temps, en dehors. Un document, créé en 2020 sous la forme d'un "référentiel type - parcours supporters visiteurs", "recense les bonnes pratiques à avoir en matière d'organisation de déplacement et d'accueil de supporters. Il prévoit la préparation du match avec le Club visité, le Club visiteur et les forces de l'ordre".

À cette tri-responsabilité, il faut ajouter celle des individus à l'origine des débordements, dont la qualité de supporter doit absolument être prouvée. "Le lien entre la personne qui commet des désordres et le Club doit pouvoir être déterminé avec suffisamment de solidité", a confirmé l'avocat au barreau du Val-de-Marne. "Ce lien doit être établi pour engager une responsabilité (du Club). Ça, c’est toujours un peu compliqué de le faire".

La notion de "supporter" pose problème

D'autant plus que, malgré les interpellations et la proximité présumée entre certains malfrats et les South Winners, cela n'engage pas systématiquement la responsabilité du groupe et, par ricochet, celle de l'OM. "Qu'est-ce qu'un supporter ? Un habitant de la ville du Club visité ? Un individu lambda avec un maillot de l'équipe visitée ou visiteuse ? Une personne avec un billet pour le match ? Une personne avec un abonnement au stade ? Cette question (de définir "supporter", ndlr) est épineuse et sujette à discussion devant les tribunaux", a révélé l'associé du cabinet de défense et conseil BGSL. "Cela explique aussi la prise de position de Monsieur Longoria. Il se désolidarise des personnes ayant commis les violences qu'il ne considère pas comme des supporters".

La communication des SW87 va d'ailleurs dans ce sens. En effet, sur X, le groupe s'est joint au Président marseillais et s'est désengagé de ce qu'il considère être de la "diffamation". "Nous ne pouvons tolérer que l'agissement de certains individus cagoulés soient identifiés comme des "supporters" appartenant à notre groupe et agissent en son nom", peut-on lire. Cette notion si cruciale dans cette affaire et pourtant si difficile à définir, est sans doute le nerf de la guerre.

Les sanctions auxquelles s'expose l'OM

Mais concrètement, dans tout ça, que risque l'OM si sa responsabilité est avérée ? La LFP met en garde. "Le non-respect des obligations prévues pourra faire l'objet des sanctions prévues à l'article 10 du Règlement Disciplinaire". Et quand on se réfère audit article, la liste est longue. Surtout, elle est composée de tout ce que redoutent les Marseillais, à savoir : défaite sur tapis vert, retrait de point(s), rétrogradation... Ci-dessous la liste complète des mesures applicables par la Ligue.

  • Un rappel à l'ordre ou aux règlements.
  • Une amende.
  • La perte d'un ou de plusieurs matches par pénalité.
  • Le retrait de point(s) au classement.
  • Le huis clos total ou partiel.
  • La fermeture de l'espace visiteur à l'extérieur.
  • La suspension de terrain.
  • La mise hors compétition.
  • La rétrogradation en division(s) inférieure(s).
  • La limitation ou l'interdiction de recruter.
  • La radiation.
  • L'interdiction pour une durée limitée d'être affilié à la FFF.

À cela, s'additionneront certainement "des sanctions administratives" contre les auteurs des lancers de projectiles, nous précise Maître Gonçalves. "C’est le préfet qui, par exemple, va donner des interdictions de stade à tel ou tel supporter. Il peut aussi y avoir des interdictions de stade judiciaires. Dans ce cas de figure-là, c’est le juge qui condamne pour violences", a-t-il ajouté.

La communication : premier argument de défense utilisé

Dès les minutes qui ont suivi l'annonce officielle du report de l'OM - OL, les deux pensionnaires de Ligue 1 se sont empressés de communiquer. Et, quand bien même leur démarche soit sincère, elle fait déjà partie de leur défense. "Souvent, les Clubs communiquent, portent plainte, justement pour anticiper une responsabilité de leur part", nous a avoué João Gonçalves.

"Sans contester l’émotion qu’a pu engendrer la violence des faits et leurs conséquences, notamment physique sur Fabio Grosso, la communication est dans ces moments-là primordiale. À la fois pour une question d’image, mais également pour des raisons disciplinaires. Les Clubs doivent réagir avec fermeté en cas de désordres", a ajouté l'avocat spécialisé.

Désormais, il faut attendre que les justices fassent leur travail. La gravité des faits est telle que chaque décision devra être mûrement réfléchie. Le parquet de Marseille a ouvert une enquête afin d'identifier tous les assaillants. Seulement après, lumière sera faite sur cette affaire. En attendant, Fabio Grosso se remet de l'attaque. L'OL court toujours derrière sa première victoire de la saison. Car oui, dans tout ça, il ne faut pas oublier l'essentiel : le football.