C'est l'un des plus petits budgets de Ligue 1 (seizième, avec 43 millions d'euros). Avec l'un des entraîneurs les plus méconnus du championnat (Franck Haise). Avec un effectif aux noms toujours obscurs pour le grand public (seul Gaël Kakuta dépasse d'une courte tête). Le constat est clair : le RC Lens ne fait pas figure d'épouvantail en Ligue 1. Sur le papier, du moins. Car dans la réalité, celle du terrain et du classement, c'est autre chose.

Dans la lignée de sa formidable saison précédente, où le promu avait terminé à la septième place (il était encore cinquième à l'aube de la 35e journée), le club du Pas-de-Calais terrasse un à un ses adversaires. Et pas les plus rabougris. L'OM, le LOSC et Monaco peuvent en témoigner depuis la reprise. Le champion de France a été battu dans le derby (1-0), le club du Rocher s'est fait tamponner sans ménagement à Louis II (0-2), tandis que l'OM invaincu de Jorge Sampaoli s'est fracassé sur les chevaliers Sang et Or au Vélodrome (2-3). Deuxième de Ligue 1, le RC Lens est récompensé de son excellente gestion, son identité de jeu claire et ses valeurs collectives.

Lens : un recrutement ciblé, adapté et malin

La principale clé du succès d'un club réside souvent dans la bonne coopération entre la direction et le staff de l'entraîneur. Or Lens fait figure de modèle dans ce domaine. Les joueurs recrutés le sont dans une seule optique : s'imbriquer dans le système de Franck Haise. Chaque joueur a sa place et son rôle dans le 3-4-1-2 de l'entraîneur de 50 ans. Avec un mot d'ordre principal : le pressing haut et coordonné. La cellule de recrutement accomplit ainsi un travail énorme pour satisfaire ces exigences, tout en devant composer avec des moyens très limités.

Et le dernier achat malin de ce genre donne déjà entière satisfaction : le piston polonais Przemysław Frankowski, trouvé en MLS (Etats-Unis) et déjà auteur de 2 buts et 3 passes décisives en 8 matchs. La seule fois où Lens a cassé sa tirelire, c'était pour Seko Fofana, devenu l'été dernière la recrue la plus chère de l'histoire du club (10M€). Mais les Sang et Or ne se sont pas trompés puisque l'Ivoirien de 26 ans, tonitruant contre l'OM, s'impose tout simplement comme l'un des meilleurs milieux du championnat.

Et Lens n'a même pas besoin de sortir le chéquier pour rayonner. Jonathan Clauss, arrivé libre l'été dernier, postule aujourd'hui à une place en équipe de France (même si Didier Deschamps ne veut pas en entendre parler). Loïc Badé, qui était dans la même situation, a été vendu 17M€ à Lens cet été. Et entre autres bons coups, Lens a obtenu le prêt renouvelé d'Arnaud Kalimuendo, étoile du PSG et international Espoirs français.

Un projet de jeu immuable mais pas dogmatique (coucou l'OM)

L'une des forces majeures de Lens est donc de mettre en valeur des joueurs dont les qualités - pas forcément reconnues ailleurs - s'expriment à merveille dans l'équipe de Franck Haise. Mais ce qui fait vraiment la différence, c'est que l'entraîneur nordiste ne renonce jamais à son projet. Lens s'en tient à son plan, quelle que soit l'équipe en face. Même l'OM de Sampaoli n'a pas fait exception, alors que le pressing haut contre cette équipe à la force de frappe offensive impressionnante pouvait ressembler à une opération suicide. Mais Franck Haise est aussi un redoutable tacticien, et il n'a pas hésité à adapter sa stratégie pour contrecarrer les velléités de son homologue argentin, sans se renier.

"On a joué avec beaucoup d’intentions, beaucoup de personnalité. Gagner ici, face à cette équipe, cela donne beaucoup de joie. On est restés fidèles à notre jeu. On voulait amener de la variété et les contrer. Ce soir, on a quinze points, on est deuxièmes de Ligue 1, c’est bien, mais ce qui me plaît surtout, c’est de réaliser ce match-là face à l’OM."

Franck Haise en conférence de presse après la victoire contre l'OM

Concrètement, Haise s'est calqué sur le système de relance marseillais, en renonçant à son habituel 3-4-1-2 habituel pour lancer un 3-4-3 dans la bataille. Et pour cela, il n'a pas hésité à faire des choix forts, en envoyant ses tauliers Kakuta et Clauss sur le banc. Il fallait oser... Mais le résultat lui donne raison, puisque l'OM s'est retrouvé face à un mur qui s'est transformé en mode bulldozer pour mener 2-0 au bout de 27 minutes.

Des joueurs portés vers l'avant... et par l'effervescent stade Bollaert-Delelis

Car c'est bien pour satisfaire ses ambitions offensives que Franck Haise a imposé ce dispositif. Lens est l'équipe qui récupère le plus de ballons dans le tiers adverse cette saison (51, à égalité avec le PSG). Conséquence : elle est aussi celle qui tire le plus (112 tentatives), devant Lyon (111) et le PSG (109).

Et Lens peut compter sur un atout de taille dans sa quête de l'avancée : son public. Le stade Bollaert-Delelis est unanimement reconnu comme l'une des enceintes les plus motivantes du championnat. Et le soutien des supporters ne s'arrête pas au Pas-de-Calais, puisque les fans des Sang et Or se font joyeusement entendre aux quatre coins de l'Hexagone. "Même quand le club était en Ligue 2, les supporters étaient là. On a l'impression qu'ils ne vivent que pour nous", résumait le capitaine Seko Fofana.

Mais au contraire de ses supporters (parfois trop exaltés comme les débordements dans le derby contre Lille ont pu le montrer), Lens ne s'enflamme pas. Avant de recevoir Reims, ce vendredi 1er octobre, Franck Haise a tenu un discours à son image : mesuré tout en restant ambitieux. "Il y a des étapes. Des objectifs prioritaires fixés par la direction qui sont clairs. C'est-à-dire de pérenniser le club en Ligue 1. Après, il y a des objectifs dans le jeu, le contenu, l’état d’esprit qui, si on répond présent, peuvent amener de l’ambition. Je suis ambitieux, j’ai un groupe ambitieux, mais on ne va pas brûler les étapes." La rencontre à domicile ce vendredi contre Reims, un club du ventre mou, tombe à point nommé pour le vérifier.