Jorginho candidat au Ballon d'Or ? A première vue, cela peut sembler totalement incongru. Le milieu défensif, vainqueur de la Ligue des champions avec Chelsea et de l'Euro avec l'Italie, est la définition même de l'antistar. Joueur de collectif par excellence, homme de l'ombre sur le terrain, discret en dehors... Son profil ne "matche" pas avec les critères traditionnels d'attribution du Ballon d'Or, qui valorise plutôt les têtes d'affiche, les facteurs X, les joueurs "clutch" qui sortent du lot, les statistiques offensives...

Des stars à la peine

Mais cette année, les stars du ballon rond ont délaissé le devant de la scène. Et ont ainsi ouvert une brèche dans laquelle Jorginho s'est fait un plaisir de s'engouffrer. Cristiano Ronaldo, meilleur buteur de Serie A la saison dernière (29 buts) et de l'Euro (5 buts), a été incapable de porter la Juventus vers le titre en Serie A. Ni de franchir les huitièmes de finale de la Ligue des champions et de l'Euro avec le Portugal. Kylian Mbappé est dans une situation semblable. Sauf qu'il n'a même pas répondu aux immenses attentes placées en lui à l'Euro (0 but). Neymar ? Son statut de finaliste de la Copa América avec le Brésil et ses éclairs de génie intermittents avec le PSG constituent un bilan beaucoup trop maigre.

Avant l'Euro, les autres favoris se nommaient plutôt Kevin De Bruyne (vainqueur de la Premier League et finaliste de la Ligue des champions avec Manchester City), Robert Lewandowski (record historique de 41 buts en Bundesliga avec le Bayern), N'Golo Kanté (vainqueur de la Ligue des champions avec Chelsea), Romelu Lukaku (meilleur buteur et champion de Serie A avec l'Inter) ou Karim Benzema (en feu avec le Real Madrid). Mais il aurait fallu une performance individuelle XXL lors du tournoi et un chemin tracé jusqu'à la finale pour que ces hommes valident leur superbe saison en club.

Messi est de retour pour jouer un mauvais tour

Et finalement, c'est loin du Vieux Continent qu'une tête bien connue s'est rappelée au bon souvenir d'un trophée dont elle connaît les moindres contours : Lionel Messi. En club, la star du Barça a pourtant lui aussi connu des échecs majeurs. Troisième place en Liga, élimination en huitièmes de la Ligue des champions... Mais l'Argentin a tenu les Blaugranas à bout de bras, notamment lors d'une éblouissante deuxième partie de saison (et donc de la première partie de l'année 2021). Il a ainsi fini l'exercice écoulé avec 30 buts et 11 passes décisives en 35 matchs de Liga. Le meilleur buteur du championnat a aussi claqué 5 buts en 6 matchs de Ligue des champions.

Néanmoins, son seul titre en Coupe du Roi semblait rédhibitoire. Mais "la Pulga" a enfin décroché son premier trophée international avec l'Argentine cet été : la Copa América. Une compétition dont il a été élu meilleur joueur, et qu'il a terminée meilleur buteur (5 réalisations) et meilleur passeur (4 offrandes).

Jorginho ne sort pas assez du lot

Côté palmarès, donc, personne ne peut s'assoir à la table de Jorginho (29 ans). "S'il faut voter en fonction des titres, personne n'en a gagné plus que moi cette saison" , a d'ailleurs plaidé le milieu italien auprès de la télévision brésilienne, mercredi 14 juillet. Mais Jorginho lui-même en est conscient : son tableau de chasse, aussi reluisant soit-il, ne lui sera sans doute pas suffisant pour décrocher la timbale. "Si l'on parle de talent, je suis conscient que je ne suis pas le meilleur du monde. Je vais être assez honnête : (gagner le ballon d'Or) dépend des critères retenus lors de l'attribution."

Or, ces critères d'attribution tendent à valoriser l'impact individuel d'un joueur sur une équipe. Il faut avoir l'impression que cet extraterrestre est capable de guider ses partenaires vers le succès. Comme s'il n'avait pas besoin de leur aide. Il faut qu'il soit le visage de son équipe et de sa sélection. Sa figure de proue, son porte-étendard. C'était le cas de Luka Modric en 2018. Malgré ses statistiques offensives peu signifiantes, le milieu du Real Madrid et de la Croatie avait convaincu les votants de lui accorder le trophée, tant il était le fer de lance de ses équipes. Et ce n'est malheureusement pas le cas de Jorginho.

Le natif du Brésil est trop fondu dans le collectif de Chelsea et de l'Italie pour sortir du lot. Jorginho est la pierre angulaire de ses équipes, mais il n'en est pas le leader. Jorginho est un rouage indispensable à ces systèmes, mais il n'en est pas l'élément moteur. Il ne lui reste plus qu'à prier que les votants ne se focalisent pas sur ce paramètre qui a trop souvent fait la magie et la cruauté du Ballon d'Or...