Forgé en enfer

Avec un tel parcours, Antony pouvait-il signer dans un autre club que Manchester United ? En recrutant l'ailier contre 95 millions d'euros, le club anglais a mis la main sur un véritable Red Devil. Car oui, le Brésilien le dit lui-même, il a grandi en enfer. Pour The Players' Tribune, l'intéressé a accepté de revenir sur ses débuts. "Je suis né en enfer. Ce n'est pas une blague. Pour mes amis européens qui ne le savent pas, la favela où j'ai grandi à São Paulo s'appelle en fait Inferninho, qui signifie "petit enfer". C'est un endroit infâme. À quinze pas de notre porte d'entrée, il y avait toujours des trafiquants de drogue qui faisaient leurs affaires, se passant la marchandise de main en main."

Contraint à évoluer dans un cadre difficile, le dribbleur garde en mémoire un souvenir funèbre. "Un matin, alors que je me rendais à l'école, je devais avoir 8 ou 9 ans, j'ai vu un homme allongé dans la ruelle. Il ne bougeait pas. En m'approchant, j'ai réalisé qu'il était mort. Dans la favela, on devient un peu insensible à ces choses. Il n'y avait pas d'autre chemin à prendre, et je devais aller à l'école. Alors j'ai fermé les yeux et j'ai sauté par-dessus le cadavre" explique-t-il en ayant conscience de la chance qui a été la sienne.

Antony et le football comme échappatoire

Sa passion pour le football, Antony ne la tient pas d'hier. Il se souvient que petit, il allait défier l'ensemble de la favela à l'aide de ses dribbles. "Je réalisais des virgules sur les dealers de drogue, des sombreros sur les chauffeurs de bus et des petits-ponts sur les voleurs" se remémore-t-il avec plaisir. Chez lui, à partir d'une connexion wifi volée, il regardait des vidéos de Ronaldinho, Cristiano ou encore Neymar. Une fois dehors, il imitait les gestes de ses idoles.

Sa vie a pris un tournant lorsque son talent a attiré le regard du directeur du Grêmio Barueri, un club qui lui a donné sa chance dans son club de futsal. Quelques années plus tard, malgré la faim, il franchissait les portes du São Paulo FC. Même après ses débuts professionnels, Antony n'a pas quitté de suite Inferninho. "À 18 ans, je dormais encore dans le lit de mon père. C'était ça ou le canapé ! On n'avait pas d'autre choix. Même en 2019, quand j'ai marqué le but contre les Corinthians en finale, j'étais de retour dans le quartier cette nuit-là." En 2020, il quittera finalement sa favela et le Brésil, pour rejoindre l'Ajax.