« Tu as déjà indiqué que, plus jeune, on te surnommait le "journaliste", rapport à ton riche travail de documentation sur le football. Le Lucas Gourna-Douath de décembre 2023 en est-il toujours un ?

Bien sûr, car je suis toujours à la recherche de la perfection, de ce que je peux faire de mieux, de sources de documentation. J’essaye de toujours aller dans la bonne direction. Je peux m’intéresser à l’émergence d’un coach comme à celle d’un jeune joueur. C’est pour cela qu’on m’appelle "le journaliste". Je me documente beaucoup, je lis de nombreux livres, je regarde beaucoup de matchs, je suis très à l’écoute. Un journaliste est celui qui essaye d’avoir les meilleures informations, les bonnes conditions et d’être perfectionniste dans les réponses qui lui sont apportées. Je me reconnais là-dedans. Je pense que je resterais toujours un "journaliste", et ce malgré mon métier de footballeur.

Tu évoques ton amour pour la lecture. Si tu devais ne conseiller qu’un seul livre, lequel serait-ce ?

Je suis actuellement en pleine lecture d’un ouvrage sur Marcelo Bielsa qui explique comment il perçoit le football. Ça me plait. Après, j’ai également lu celui de Jürgen Klopp qui, pour sa part, m’a marqué. Il m’a appris pourquoi un coach venait à prendre telle ou telle décision. Ça m’aide beaucoup au quotidien et, je n’en doute pas, continuera de le faire dans le futur.

On dit de toi que tu as une idée claire de la carrière que tu souhaites avoir. Juges-tu que ton plan se déroule pour le moment tel que tu l’avais imaginé ?

J’étais à Saint-Étienne, dans l’une des meilleurs écoles de France. J’ai eu la chance de sortir du centre de formation, de jouer en équipe première. Je le prends d’ailleurs vraiment pour une chance. Il me reste encore de nombreux points à travailler ou à peaufiner. Je travaille pour aller au plus haut niveau. J’évolue aujourd’hui dans un très bon club, reconnu pour favoriser l’émergence des jeunes joueurs. Je considère ainsi que mon choix est payant. Bien sûr que j’aspire à aller encore plus haut, mais tout passe par le travail.

Tu as récemment connu ta première cape avec l’équipe de France Espoirs. Comment as-tu réagi à l’appel de Thierry Henry ?

Énormément de fierté, d’émotion. J’étais en équipe de France chez les jeunes et on sait tous que l’étape des Espoirs est très importante au vu de la densité de notre vivier. Être parmi les 23 du coach Henry récompense aussi le travail que l’on fait avec le Red Bull Salzbourg.

Qu’est-ce que ça te fait de travailler avec l’une des plus grands légendes du football français ?

Ce sont des personnes qu’on a vu briller à la télé. C’est une chance de pouvoir côtoyer ce genre de coach, très à l’écoute, dans l’échange, qui m’a beaucoup corrigé avec un staff expérimenté sur lequel je peux m’appuyer. Je profite de ces moments-là et je pense que c’est une grande étape dans ma carrière d’avoir cette opportunité.

Tu as fait partie des 25 finalistes du Golden Boy 2023 aux côtés de joueurs tels que Jude Bellingham ou Jamal Musiala. Tu t’y attendais ?

C’est d’abord une fierté, pour moi, ma famille et mes proches, d’être sélectionné parmi les 25 meilleurs jeunes joueurs européens. Ce résultat là résume l’année qu’on a réalisé à Salzbourg, mais aussi mon choix de rejoindre ce grand club. Je remercie ainsi le staff et mes coéquipiers qui m’ont permis de faire partie des nommés.

Ce sont des joueurs sur lesquels tu prends exemple ?

Tu sais, je me demande toujours : "Qui sont les bons voleurs ?". Ce sont des gens qui prennent des ingrédients chez tout le monde. Au vu de leur émergence, évidemment que j’essaye de leur en voler quelques uns. Mais je prends aussi ce que je peux chez un coach, chez ma maman, chez mon agent, chez un passant. Tout cela va me permettre de pouvoir passer un cap. L’idée est vraiment d’aller piocher chez tout le monde pour te forger une carapace qui va vraiment te permettre d’émerger, tant sur le plan humain que footballistique.

Si tu devais nommer le joueur que tu considères comme étant ton modèle, quel serait-il ? Et pourquoi lui ?

Pour répondre à cette question, je ne me base pas uniquement sur le football. Avant d’être footballeur, je suis un humain. J’ai vu beaucoup de joueurs qui m’ont inspiré. Des mecs comme Yaya Touré, Claude Makélélé, Patrick Vieira sont des joueurs dont je peux m’inspirer, qui évoluaient à peu près à mon poste. J’ai aussi apprécié des joueurs qui n’ont pas forcément été sur le devant de la scène. Je citerai notamment William Vainqueur qui, selon moi, aurait pu faire une meilleure carrière, mais qui est un petit peu sous-côté. Je lui vole également beaucoup de choses au quotidien. Mohamed Ali et Malcolm X sont aussi des modèles pour moi. Ils font partie de mes références.

En 2022, tu arrives à Salzbourg avec l’étiquette du transfert le plus cher de l’histoire du club. Ce statut a-t-il fait peser sur toi une quelconque forme de pression ?

C’est quelque chose que j’appréhendais avant mon arrivée. Mais je remercie le club qui, dès les premières discussions, m’a toujours dis qu’il m’aiderait et m’accompagnerait. Je n’ai finalement pas eu affaire à cette pression là car le club a fait en sorte que je ne la ressentes pas.

Comment, en tant que jeune joueur, as-tu su gérer les évènements ?

J’ai eu la chance d’être entouré de ma famille, de mes amis, de mes représentants, du staff du Red Bull Salzbourg. J’ai le bonheur de ne jamais avoir été seul, ce qui a fait que je n’ai pas eu le temps de penser au contexte de mon arrivée.

Le terrain aide-t-il à te transcender ou y es-tu le même qu’en dehors ?

Je le répète et je continuerai toujours à le faire : je suis un humain avant d’être un footballeur. Que je sois sur ou en dehors du terrain, j’essaye donc d’être la même personne. La seule différence est que dans l’une des deux situations, j’ai un ballon dans les pieds. Toutes les valeurs que j’ai apprise en dehors du terrain, j’essaye de les retransmettre quand je suis dessus.

La saison dernière, tu as remporté le titre de champion d’Autriche, le premier trophée de ta carrière. Qu’as-tu ressenti à ce moment-là ?

De la fierté, le sentiment d’accomplissement et, évidemment, beaucoup de joie. Le fait qu’on ait gagné le championnat confirme un petit peu plus le bien fondé de ma décision de rejoindre le Red Bull Salzbourg de Matthias Jaissle (l’ancien coach du club autrichien, NDLR) à une époque où je sortais d’une descente avec l’ASSE. Ça m’a fait beaucoup de mal et j’avais à cœur de rebondir. Et le faire avec un sacre, qui plus est le dixième consécutif de Salzbourg, était très important.

Tu t’es rapidement imposé à Salzbourg, où tu multiplies les bonnes prestations. Un tout qui te vaut aujourd’hui de faire l’objet de rumeurs t’envoyant dans les plus grands clubs européens. Comment les reçois-tu ?

J’essaye de rester concentré sur mon travail, sur mes performances sur le terrain, sur mon accompagnement. Aussi, j’ai un très profond respect pour le Red Bull Salzbourg, club qui m’aide tous les jours, qui essaye de me faire progresser. C’est toujours flatteur de recevoir des éloges, mais je n’y prête pas attention. Aujourd’hui, je suis bien dans mon club et j’ai à cœur de terminer ma saison avec eux.

Tu restes très lié à l’AS Saint-Étienne, ton club formateur. Comment juges-tu leur début de saison ?

Si tu m’avais posé la question il y a deux semaines, je t’aurais dis que Saint-Étienne allait tout droit en Ligue 1. Aujourd’hui, il y a des résultats moins glorifiants, mais je fais confiance aux nouveaux joueurs, à la direction et à mes anciens coéquipiers, avec lesquels j’échange régulièrement. J’irai d’ailleurs les voir à Geoffroy-Guichard à l’occasion de la réception de Bastia (le 19 décembre, NDLR). J’ai à cœur que ce très grand club remonte en Ligue 1. C’est l’une des meilleures écoles française de tous les temps.

À combien de pour-cent estimes-tu la probabilité d’une promotion en fin de saison ?

Franchement, je n’ai jamais été très fort en maths (rires). Je ne peux que croiser les doigts et leur adresser toutes mes prières pour qu’ils réussissent.

Quel est le joueur avec lequel tu aies joué qui t’a le plus impressionné ? Et celui auquel tu as été confronté ?

J’ai toute une liste (rires). Je pourrais te citer Eliaquim Mangala et Mathieu Debuchy. Ce sont deux joueurs qui m’ont impressionné par leur professionnalisme. Mais celui qui m’a le plus mis une claque est Ryad Boudebouz. Il a une facilité à jouer au football qui est folle. Je peux aussi te parler de Zaydou Youssouf. Pour ce qui est des joueurs contre lesquels j’ai joué, je pourrais dire Lionel Messi ou Kylian Mbappé, mais ce serait un petit peu de la triche. Personnellement, j’aime bien m’aligner au moment où je les ai affronté. Et dans cette configuration, je pense que c’est Mikel Oyarzabal de la Real Sociedad.

Pour finir, que peut-on te souhaiter pour les mois à venir ?

De la santé, de la réussite pour mon club, pour mes proches, mais aussi pour les personnes que je ne connais pas. C’est le plus important. Le reste, on en reparlera. »