Le 28 août dernier, après la claque infligée par Manchester City (0-5) lors de la troisième journée de Premier League, un parfum de résignation s'est mis à flotter autour d'Arsenal. Cela fait des années que les supporters des Gunners sont attristés, consternés par la morosité qui colle à leur équipe. L'arrivée de Mikel Arteta en décembre 2019 avait bien ramené un vent d'espoir du côté de l'Emirates Stadium. Mais celui-ci s'est vite évaporé, le jeune entraîneur espagnol ayant été rattrapé par les maux structurels et chroniques du club. Et un an et demi après la prise de fonction d'Arteta, les effets concrets se faisaient toujours attendre.
Pire : un sentiment de fatalisme s'est installé après un début de saison terrible. Trois défaites lors des trois premières journées, 0 but inscrit, une place de lanterne rouge au classement... Mais ce qui dépitait le plus les supporters d'Arsenal, c'est ce gouffre qui s'est créé avec Chelsea (défaite 0-2) et Manchester City. Deux clubs qui semblent maintenant à des années-lumière des Gunners.
Les "10 ou 15 jours" qui ont tout changé pour Arsenal
Pourtant, c'est à ce moment où Arsenal pense avoir touché le fond (encore une fois) que le club va brusquement renaître de ses cendres. Et pour une fois, les dirigeants des Gunners en sont les principaux responsables. Comme l'affirme The Athletic, ce sont eux qui ont su garder le cap, sans céder à la panique et à une vision court-termiste. Comment ? En maintenant leur confiance à Mikel Arteta, contre vents et marées. En comprenant que cette mauvaise passe était conjoncturelle. Arsenal était en effet privé d'éléments très importants comme Thomas Partey, Ben White et Gabriel Magalhães, tandis que les locomotives Pierre-Emerick Aubameyang et Bukayo Saka n'étaient pas encore affûtés physiquement.
Alors qu'une trêve internationale de deux semaines offre un répit salutaire aux Gunners, Mikel Arteta est donc maintenu avec les encouragements de sa direction, qui le pousse à continuer de croire en son projet. Mieux : elle continue de se montrer active sur le mercato en recrutant un nouveau défenseur, Takehiro Tomiyasu, contre 19 M€. Lors de cette période, Arteta récupère aussi ses blessés. Il peut ainsi travailler sereinement avec un groupe enfin au complet, et renforcé par un mercato pimpant (166M€ dépensés, ce qui en fait le club le plus dépensier d'Europe). Bref, alors que la presse le voit déjà en enfer, l'entraîneur espagnol déclarera après-coup qu'il a passé "les 10 ou 15 meilleurs jours de sa carrière dans le football."
Le retour du plaisir, et du bonheur
Et la suite lui donne raison, puisqu'Arsenal n'a plus perdu depuis ce 28 août et cette claque contre les Citizens. Alors certes, les Gunners n'ont pas affronté de gros morceau, mais ils ont enfin trouvé une continuité dans leurs résultats. Et dans ces 10 matchs consécutifs sans revers, dont 8 succès, on trouve de jolies partitions comme celle contre Tottenham (3-1) et face à Leicester (2-0). Impensable il y a encore trois mois : les supporters d'Arsenal ont retrouvé du plaisir à voir jouer leur équipe. Et cela se sent, dans un Emirates Stadium qui vibre de nouveau.
Arsenal s'est trouvé une équipe
Alors qu'est-ce qui a changé concrètement ? Pas grand chose, en réalité. Comme évoqué plus haut, Mikel Arteta a maintenu le cap et Arsenal a simplement récupéré ses chaînons manquants. Le plus gros du travail avait été fait en amont, sur le marché des transferts. Fin juillet, les Gunners avaient déjà réalisé leur objectif n°1 en arrachant la venue de Ben White, priorité absolue pour renforcer la défense. Un sacré coup à près de 60M€ alors que le jeune international anglais était aussi la cible de Chelsea. Avant lui, les espoirs Albert Sambi Lokonga et Nuno Tavares avaient déjà rejoint l'équipe.
Un mercato qui est allé crescendo, puisque les Gunners ont ensuite aligné 35M€ pour acheter définitivement Martin Ødegaard, puis 28M€ pour faire venir le gardien Aaron Ramsdale - avant de boucler leurs emplettes avec Tomiyasu. Des recrues qui, après seulement deux ou trois mois, donnent déjà satisfaction, à l'image d'un Ramsdale monumental contre Leicester et de la doublette White-Tomiyasu qui a déjà stabilisé l'arrière-garde avec Gabriel Magalhães (arrivé en septembre 2020).
Le retour de Thomas Partey - débarqué en octobre 2020 - a aussi fait un bien fou aux Gunners, réglant les problèmes d'équilibre presque à lui tout seul. Et devant, Arteta a trouvé la bonne formule avec un Lacazette retrouvé en position de faux n°9 derrière Aubameyang. Et que dire des pépites Bukayo Saka et Emile Smith Rowe, libres de s'éclater comme ils le veulent.
Un chef de chantier nommé Arteta
Dit comme ça, cela paraît presque trop facile. Car à l'exception d'Aubameyang et Partey, Arsenal ne possède aucune référence d'un poste. Le reste de l'équipe est composé de promesses qui découvrent encore le haut niveau. C'est aussi pour cette raison que le mercato estival d'Arsenal faisait grincer des dents (166 millions d'euros dépensés pour un joueur avec une seule saison de Premier League au compteur - Ben White, un gardien spécialiste des relégations - Ramsdale, et un milieu avec deux petites saisons en D1 belge - Lokonga). Et c'est là tout le mérite de Mikel Arteta, qui a su créer un environnement favorable pour rendre ce beau petit monde compétitif dès les premiers pas.
L'entraîneur espagnol n'a pas de recette miracle, non, il récolte plutôt les fruits d'un travail de longue haleine. Un travail débuté dès les premiers jours de son intronisation, et qu'il a érigé au rang de priorité. A savoir : rétablir une mentalité basée sur l'exigence, l'unité et le collectif. Avec Arteta, tous les joueurs doivent aller dans le même sens, se battre ensemble pour aller chercher la victoire, et tous ceux qui n'adhèrent pas au projet sont congédiés sans ménagement.
Cohésion d'équipe et culture club, les clés du retour au top
Le rôle du capitaine Pierre-Emerick Aubameyang est en cela déterminant. L'attaquant franco-gabonais, bien conscient de sa mission d'exemplarité, tente aussi de créer une atmosphère conviviale par son comportement facétieux. "Je suis le capitaine le plus cool du championnat et peut-être du monde" , s'auto-décrit ainsi le natif de Laval. Après la victoire contre Leicester, il a coorganisé une soirée avec Granit Xhaka pour rassembler toute l'équipe. En faisant de la cohésion et de la positive attitude des valeurs sacrées, Mikel Arteta a ainsi créé un groupe qui vit bien et qui n'est jamais parasité par les états d'âme.
D'autre part, la restauration de la culture du club était le deuxième grand axe de la politique de Mikel Arteta. Pour l'Espagnol, Arsenal ne doit plus chercher à tourner la page d'Arsène Wenger. Les Gunners doivent au contraire s'en inspirer. Un photo grandeur nature de l'ancien entraîneur français a été placée à l'entrée du centre d'entraînement. Des anciennes gloires (David Seaman, Martin Keown) sont aussi invitées au centre d'entraînement à venir transmettre leur vécu le temps d'une journée. D'ailleurs, Arteta compte bien convaincre Wenger d'être le prochain sur la liste.
Souci du détail, absence bénéfique de Coupe d'Europe et projet à long terme
Cette exigence et cette volonté de renouer avec le glorieux passé se manifestent aussi par des petits détails qui font toute la différence. Mikel Arteta a fait venir le Français Nicolas Jover, spécialiste des coups de pied arrêtés, pour faire passer un cap aux Gunners dans ce secteur. L'impact est déjà colossal, puisqu'Arsenal est tout simplement l'équipe qui marque le plus sur cette phase de jeu en Premier League cette saison. Les Gunners ont ainsi inscrit près de la moitié de leurs buts cette saison (7) sur coup de pied arrêté. La saison dernière, ils étaient la troisième pire équipe du championnat dans ce domaine...
Arsenal bénéfice aussi de circonstances favorables, avec un calendrier moins chargé que ses concurrents. Alors que Tottenham, Leicester ou West Ham ont régulièrement de la Coupe d'Europe au menu le jeudi, Arsenal garde une fraîcheur physique cruciale en se contentant du championnat.
Alors bien sûr, l'équilibre reste fragile. Cette jeune équipe d'Arsenal (troisième moyenne d'âge la plus basse de Premier League) en est encore au début de son processus. Mais c'est bien ce qui donne le sourire à l'Emirates Stadium. Car pour la première fois depuis le départ d'Arsène Wenger, les dirigeants ont compris qu'ils ne devaient plus chercher à recoller les morceaux, mais qu'il fallait lancer un nouveau cycle, avec une vision à long terme, dans le respect de la culture du club. Le recrutement de jeunes éléments prometteurs cet été est le socle de ce projet. Mais alors que les bénéfices complets n'étaient pas attendus avant quelques années, les premiers effets se font déjà ressentir. Le signe que si cet Arsenal est encore convalescent, il a enfin trouvé la voie de la guérison...