C’est l’histoire de deux frères, gamins de Marseille mais bercés au football en Espagne. Un pays dans lequel ils ont tout connu et duquel ils auraient pu défendre les couleurs. Lucas Hernández, 25 ans, et Théo, 23 ans, se retrouvent pour la première fois en équipe de France en ce mois d'octobre, appelés par Didier Deschamps pour disputer le Final Four de la Ligue des nations. La concrétisation d’un rêve pour les Hernández, qui n'ont encore jamais évolué ensemble chez les professionnels. Et ce malgré une formation commune à l’Atlético de Madrid.
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Une vie en Espagne, des vacances en France
Fils de l’ancien défenseur de l’OM Jean-François Hernández, Lucas et Théo ont grandi loin des yeux du grand public français. Partis en Espagne en même temps que leur père, footballeur dans la péninsule durant ses quatre dernières années de carrière, les deux jeunes garçons y apprennent le football, mûrissent et se construisent, mais sans jamais couper le cordon avec la mère patrie. Ils passent ainsi l’essentiel de leurs vacances au sein de la famille restée en France. Cette dernière jouera d’ailleurs un rôle clé dans le choix en faveur du maillot au coq.
Durant leur enfance, qu’ils qualifient souvent de difficile, les Hernández perdent le contact du papa, disparu sans donner de nouvelles. Mais soutenus par la maman, ils poursuivent leur rêve de devenir footballeur professionnel. Tous deux formés à l'Atlético de Madrid, les défenseurs n'y connaissent pas la même réussite. Le plus âgé de la fratrie, Lucas, y débute en professionnel en 2014-15. Le plus jeune, lui, n'aura jamais l'occasion de porter le maillot des Matelassiers.
Les Hernández ne la jouent pas comme Laporte
Petit à petit, Lucas s’impose chez les Colchoneros. Pour Théo, les choses sont plus difficiles jusqu'à un prêt au Deportivo Alavés en 2016-17, qui va lui ouvrir les portes d’un transfert au Real Madrid. Devenus ennemis dans la capitale espagnole, les deux garçons qui enchaînent les matchs commencent à songer à la sélection. Et leur choix est vite fait : ils attendent avec patience les signaux de la Fédération Française de Football et de l'équipe de France. Ils refusent ainsi de céder aux sirènes de la Roja, qui pousse pour l’obtention de la nationalité espagnole - finalement refusée en raison de démêlés judiciaires - et d’un pays qui leur a tout appris.
Lucas Hernandez résumait ainsi le paradoxe avant de découvrir les Bleus en 2018. "J'ai 22 ans et ça fait 18 ans que je suis en Espagne. Elle m'a tout donné sur le plan personnel et footballistique. J'y ai fait mes études et ma carrière est là-bas. Je parle mieux espagnol que français comme vous pouvez le voir." Les deux Hernández auraient donc pu la jouer comme Aymeric Laporte, qui a préféré opter pour l'Espagne avant l'Euro cet été. Mais ils ont écouté leur cœur, convaincus qu’après les sélections de jeunes viendra la récompense ultime.
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"Mon pays, c’est la France"
Pour Lucas, elle arrive donc en 2018. Quand il est appelé pour la première fois pour défendre les couleurs françaises, le Madrilène répond avec une fierté dans les yeux qu’il ne cherche pas à dissimuler. "Mon pays, c’est la France" clame-t-il, assurant "n’avoir pas hésité 30 secondes" au moment du coup de fil de Didier Deschamps. Les supporters français découvrent ainsi ce joueur teigneux, dur sur l’homme et d’une générosité folle. Des qualités qui ont dégoûté plus d’un attaquant lors de la campagne russe victorieuse du Mondial 2018.
Pour son frère, le chemin vers le maillot au coq est plus escarpé. Théo, prêté à la Real Sociedad puis transféré à l’AC Milan entre-temps, ne met pas non plus toutes les chances de son côté. En mai 2017, il renonce ainsi à rejoindre les Espoirs de Sylvain Ripoll, bien trop occupé à bronzer sous le soleil de Marbella.
Mais Didier Deschamps, s’il a la rancune tenace, sait donner une deuxième chance à ceux qui la méritent. Karim Benzema peut en témoigner. Alors, en septembre dernier, il décide de convoquer pour la première fois le latéral gauche, brillant avec les Rossoneri depuis 2019. Mais, là encore, le rêve bleu des deux frères attendra. Blessé, Lucas n’est pas retenu. Le Bavarois assiste alors depuis son canapé aux débuts internationaux de son petit frère face à la Finlande le 7 septembre (2-0).
Deschamps a fait durer le suspense
Alors, en ce début octobre, c’est forcément un événement que de voir, pour la première fois depuis les Revelli en 1976, deux membres de la même fratrie apparaître ensemble au château de Clairefontaine. En conférence de presse, le Munichois et le Milanais ont exprimé dans un même élan leur "fierté" de défendre ensemble les couleurs tricolores. Pourtant, cette fois encore, Lucas, Théo et toute leur famille accrochée à ce rêve, ont cru que le destin s’acharnait. Car en septembre, si Deschamps avait oublié d’énoncer le nom de Théo au moment de l’annonce de la liste, il a cette fois réservé une surprise aux deux garçons.
Après avoir annoncé la convocation de Lucas avec les défenseurs, le sélectionneur a attendu de passer aux milieux de terrains pour évoquer le latéral de l'AC Milan... "Quand j'ai vu mon nom et pas celui de mon frère dans les défenseurs, je me suis dit que ce serait pour une prochaine fois", a avoué Lucas en conférence de presse ce mardi 5 octobre.
Enfin réunis, déjà concurrents ?
Désormais enfin réunis en Bleu, les deux frères pourraient pourtant déjà devenir concurrents. Ils évoluent en effet au même poste de latéral gauche. Heureusement pour eux, ils présentent un profil différent. Meilleur défensivement, Lucas a été formé dans l'axe de la défense, et il retrouve majoritairement ce poste au Bayern depuis l'émergence d'Alphonso Davies comme latéral gauche. Théo, lui, affiche davantage une palette de piston, très porté vers l'avant, excellent dans la percussion mais moins à l'aise en défense.
Deschamps n'a d'ailleurs pas hésité à souligner la diversité de leurs profils, indiquant qu'il pourrait aligner les deux hommes ensemble sur le terrain. Et cette hypothèse semble se confirmer, puisque selon les dernières informations de L'Equipe et RMC Sport, Lucas devrait être titulaire à gauche de la défense à trois contre la Belgique, tandis que Théo occuperait le poste de piston gauche dans un 3-4-1-2. Interrogés sur cette possibilité de jouer ensemble, les Hernández avaient eux répondu dans un sourire et de concert qu’ils étaient là pour s’entre-aider et se référer aux choix du coach. Et surtout savourer ce moment dont ils ont si longtemps rêvé...