L'Olympique de Marseille de Jorge Sampaoli fait fureur. Auprès de ses propres supporters, mais aussi des entraîneurs adverses, souvent impuissants face à la déferlante phocéenne. Récemment, ce sont l'AS Monaco de Niko Kovač (0-2) et le Stade Rennais de Bruno Genesio (2-0) qui en ont fait les frais en Ligue 1. Avec son détonant 3-3-3-1 hybride, Sampaoli propose un véritable casse-tête à ses homologues, qui ne savent pas comment s'y prendre pour gérer cette armée imprévisible et capable d'attaquer de partout. Pourtant, le schéma de l'ancien sélectionneur du Chili et de l'Argentine a des failles, que les techniciens du championnat feraient bien d'exploiter s'ils ne veulent pas subir le même tarif...

Le déconcertant OM de Jorge Sampaoli

La philosophie de Sampaoli peut être assimilée à un "bordel organisé" . Si le 3-3-3-1 est une base, celle-ci est amenée à bouger en cours de rencontre en fonction de la situation. Face à un Lokomotiv Moscou (1-1) inoffensif, jeudi 16 septembre en Ligue Europa, Sampaoli est par exemple revenu à un système avec 4 défenseurs centraux pour apporter plus de forces vives en attaque. Mais les joueurs ne sont de toutes façons jamais cantonnés à leur poste fixe.

Lirola, de retour, remplit le rôle hybride de milieu droit - latéral droit. Luan Peres, à gauche de la charnière à trois, peut être amené à évoluer haut dans le couloir. En phase de construction, le "libéro" Balerdi est invité à monter d'un cran. Au milieu, Guendouzi et Rongier, notamment, se retrouvent aux quatre coins du terrain. Bamba Dieng est tantôt dans l'axe, tantôt sur l'aile gauche. Enfin, le milieu offensif ou faux n°9 marseillais (Payet ou Harit) est insaisissable pour l'adversaire.

Luan Peres (à gauche) peut évoluer haut sur le côté gauche pour soutenir l'ailier Konrad de la Fuente (à droite). Icon Sport
Luan Peres (à gauche) peut évoluer haut sur le côté gauche pour soutenir l'ailier Konrad de la Fuente (à droite). Icon Sport

Le hic : un "bordel désorganisé" à en perdre la tête

Ces fluctuations constantes sont un cauchemar pour l'adversaire, mais elles peuvent aussi se retourner contre les Marseillais, qui ont parfois du mal à s'y retrouver dans leur positionnement et dans les multiples tâches qu'ils doivent accomplir. "Dans les 30 dernières minutes, tu ne sais plus où tu es et qui fait quoi" , affirmait l'ancien entraîneur de l'OM Rolland Courbis à RMC après le match nul contre Bordeaux (2-2) lors de la deuxième journée.

"La faute de Balerdi en un contre un (sur laquelle le défenseur marseillais prend un rouge, ndlr), c’est une faute qui manque de réflexion. Parce que ce n’est pas facile de jouer qu’à trois arrières centraux pendant plus d’une heure. Dans les vingt dernières minutes, tu as la tête un peu à l’envers." De quoi faire dire à Courbis : "si je suis entraîneur avec un bel effectif, est-ce que je n'ai pas envie de le rencontrer cet OM déséquilibré ? Sincèrement, je serais curieux de voir ce qu'il se passerait."

Luan Peres (à gauche) peut évoluer haut sur le côté gauche pour soutenir l'ailier Konrad de la Fuente (à droite). Icon Sport
Leonardi Balerdi n'est pas toujours très à l'aise... Icon Sport

La clé : jouer à fond sur la largeur

La principale originalité du système de Sampaoli est de se priver de latéral. A l'arrière, ce sont les défenseurs centraux Luan Peres et Saliba qui sont censés couvrir la largeur. Néanmoins, ceux-ci ne peuvent pas coller à la ligne pour ne pas laisser trop d'espace avec le défenseur axial. Et devant eux, qui remplit ce rôle de surveillance de la largeur ? Les ailiers De la Fuente et Ünder sont trop focalisés sur l'attaque pour assumer cette mission. Ce sont plutôt les milieux "relayeurs" comme Guendouzi et Rongier qui remplissent cette fonction. Mais ceux-ci ne peuvent pas se décaler de manière trop prononcée pour ne pas laisser Kamara tout seul au milieu. De plus, lorsque les milieux vont presser haut, l'OM laisse des boulevards sur ses flancs.

Luan Peres (à gauche) peut évoluer haut sur le côté gauche pour soutenir l'ailier Konrad de la Fuente (à droite). Icon Sport
Attaquer, défendre, presser, et couvrir la largeur... Les milieux Valentin Rongier et Mattéo Guendouzi ne peuvent pas tout faire. Icon Sport

La couverture de la largeur est donc l'un des gros points faibles de cet OM. D'ailleurs, la majorité de ses buts encaissés dans le jeu cette saison viennent d'un côté. Sur le premier but de Montpellier (2-3), lors de la première journée, il n'y avait que Kamara pour s'occuper de l'attaquant et du latéral adverse sur l'aile gauche. Delort a alors eu tout le temps de centrer pour ouvrir le score (1-0, 30e).

Puis contre Bordeaux, c'est Pembélé qui avait remonté tout le couloir droit sans opposition pour tromper Mandanda (1-2, 51e). Plus récemment, Nice a aussi exploité cette faille, d'une autre manière. Car si Marseille avait bien refermé le couloir après une offensive des Aiglons, le fulgurant latéral droit niçois Lotomba s'est retrouvé contre le peu explosif milieu marseillais Pape Gueye. Le Suisse n'a alors eu aucun mal à déborder le Français pour trouver la poitrine de Dolberg (1-0, 49e).

Luan Peres (à gauche) peut évoluer haut sur le côté gauche pour soutenir l'ailier Konrad de la Fuente (à droite). Icon Sport
Le jeune Bordelais Timothée Pembélé avait eu tout le loisir de débouler sur le côté droit pour réduire le score contre Marseille. Icon Sport

La parade : bétonner le milieu, voire garer le bus

Avec autant de milieux (trois, en y ajoutant le milieu offensif), l'OM règne dans le cœur du jeu. En supériorité numérique et technique, les Phocéens peuvent alors facilement lancer leurs offensives. Et jusqu'à présent, Marseille a rencontré des adversaires qui lui ont offert peu de résistance en la matière. Rennes et Monaco se sont fait manger dans leur 4-4-2, tout comme le Lokomotiv Moscou ainsi que le 4-2-3-1 de Montpellier. Le 4-4-2 de Nice est l'exception qui confirme la règle, tant le système redoutablement organisé avec lignes resserrées de Christophe Galtier fait figure de modèle du genre.

Luan Peres (à gauche) peut évoluer haut sur le côté gauche pour soutenir l'ailier Konrad de la Fuente (à droite). Icon Sport
Boubacar Kamara et Valentin Rongier sont tout le temps en surnombre au milieu. Icon Sport

Mais pour proposer une vraie opposition au milieu marseillais, un système à trois milieux semble de mise. Un 3-5-2, par exemple, avec un n°6 pour s'occuper du meneur de jeu olympien, rendrait Marseille moins peinard au centre du jeu. La saison dernière, Thierry Laurey avait opté pour ce dispositif avec Strasbourg alors que Sampaoli évoluait déjà en 3-3-3-1. Bilan ? Un match nul 1-1, où l'OM avait peiné à s'exprimer. "On n'est pas là pour faire les beaux" , avait d'ailleurs lâché Laurey, qui se moquait bien d'engager le rapport de forces en allant presser haut les milieux adverses. Le constat était clair : si Strasbourg ne pouvait pas rivaliser, au moins pouvait-il empêcher l'OM de faire sa petite tambouille.

Harasser le n°6 de l'OM, la vieille recette à remettre au goût du jour ?

Enfin, Michel Der Zakarian avait repéré une dernière faille à ce 3-3-3-1 avec Nantes en 2015. A l'époque, c'est un certain Marcelo Bielsa qui est aux commandes du club phocéen. Le milieu défensif marseillais (qui était alors Gianelli Imbula) se retrouvait souvent isolé pour protéger sa défense lorsque son équipe perdait le ballon. Der Zakarian décida alors de tester un 4-4-2 losange. Avec trois milieux à tendance défensive pour sécuriser le milieu et un n°10 pour mettre la pression sur Imbula. La tactique, inédite, avait fonctionné : victoire 1-0.

Luan Peres (à gauche) peut évoluer haut sur le côté gauche pour soutenir l'ailier Konrad de la Fuente (à droite). Icon Sport
Mettre la pression sur le n°6 marseillais, comme Gianelli Imbula en 2015, peut être une option à remettre au goût du jour. Icon Sport

Ce mercredi 22 septembre en Ligue 1, l'entraîneur d'Angers Gérald Baticle devrait reconduire le 3-4-1-2 qui lui a bien réussi depuis le début de la saison (à l'exception de la dernière claque reçue contre Nantes). Ainsi, si son milieu offensif Angelo Fulgini vient soutenir efficacement les deux milieux centraux, Angers a les armes tactiques pour frustrer Sampaoli et ses soldats...