C'est une petite phrase glissée par un homme qui évolue sous les radars du football depuis plusieurs années. Louis van Gaal, qui coule une retraite paisible au Portugal (avant de peut-être reprendre le poste vacant de sélectionneur des Pays-Bas), est sorti de sa boîte pour une interview à L'Equipe. A 69 ans, celui qui a dirigé l'Ajax, le Barça, le Bayern, les Oranje (deux fois) et Manchester United a posé son regard acéré sur l'Euro 2020. Et il n'a pas été tendre envers la France et le Portugal, éliminés dès les huitièmes de finale. Pour "le Pélican", l'explication est limpide : "ce ne sont pas des équipes, mais une addition d'individualités."
Van Gaal pointe du doigt les sélectionneurs des grands battus
Un constat qui tient de la responsabilité des sélectionneurs Didier Deschamps et Fernando Santos, pour Van Gaal : "Santos, Deschamps ou Löw dirigent leur équipe depuis trop longtemps, ils ne touchent à rien. Ils ont confiance en leurs joueurs. Il m'arrive de me demander 'mais pourquoi les joueurs n'y arrivent pas ?' C'est parce que l'équilibre entre les joueurs et le coach est rompu."
Il suffisait de voir la véhémence de Kingsley Coman envers son sélectionneur lors de la prolongation contre la Suisse (3-3, 4-5 t.a.b), pour constater que Didier Deschamps a perdu une partie de son autorité. Pire : selon Le Parisien, ce sont les joueurs eux-mêmes, et non le sélectionneur, qui avaient décidé de promouvoir le 3-4-1-2 contre-nature face à la Nati. Deschamps aurait accepté sans être convaincu, ce qui fait écho aux paroles de Louis van Gaal sur la confiance aveugle placée dans les joueurs...
Fernando Santos et Löw, pas mieux que Deschamps
Au Portugal, la différence entre la Selecção championne d'Europe 2016 et celle de 2021 n'est pas compliquée à expliquer, comme l'estime une bonne partie de la presse et des supporters : Fernando Santos n'est plus l'homme dont les partenaires de Cristiano Ronaldo ont besoin. Son pragmatisme et sa frilosité ont fini par lasser un groupe qui possède pourtant un potentiel offensif inimaginable. Ce Portugal n'était tout simplement plus disposé à faire les efforts pour un sélectionneur trop tourné vers le passé.
Enfin, en Allemagne, le départ de Joachim Löw après l'Euro était déjà acté. Mais cela n'a pas empêché Thomas Müller d'en rajouter une couche pour critiquer "les choix défensifs" de son sélectionneur après l'élimination contre l'Angleterre (0-2). Il était vraiment temps que l'aventure s'arrête après un règne long de 15 ans...
Mancini et Southgate, modèle à suivre
Coïncidence ou pas, les sélectionneurs de l'Italie et de l'Angleterre, eux, faisaient déjà l'unanimité avant le début de la compétition. Et le parcours rayonnant de la Squadra Azzurra et des Three Lions jusqu'en finale n'a fait que renforcer le culte autour de ces deux guides. Fédérateurs, Gareth Southgate et Roberto Mancini ont rassemblé tout un groupe et tout un pays autour d'eux. Alors pourquoi la mayonnaise a-t-elle aussi bien pris ? Parce que les deux sélectionneurs ont impliqué tous leurs joueurs dans un projet de jeu et de vie auquel les principaux intéressés croient profondément.
Alors que Deschamps et Santos naviguaient à vue, étant incapables de définir un cap pour le groupe, et que Löw s'est obstiné à implémenter une philosophie de jeu que son groupe ne partageait pas forcément, Southgate et Mancini avaient déjà l'adhésion de leurs hommes avant le début de la compétition. Plus facile, dès lors, de se battre pour un sélectionneur en qui on a confiance et pour un projet que l'on soutient soi-même.
Southgate et Mancini n'ont pourtant pas grand chose à voir au niveau de leur projet de jeu. Tandis que l'Italie a une identité bien marquée (jeu offensif, pressing haut et immédiat à la perte du ballon), l'Angleterre brille par son adaptabilité et sa maîtrise. Côté transalpin, Verratti, Insigne et consorts ont immédiatement validé cette approche rafraîchissante. Les Anglais, eux, ont tout de suite compris qu'ils devaient franchir un cap psychologique et mental pour remporter les matchs couperets dans les grandes compétitions. Et Southgate s'est tout de suite imposé comme l'homme de la situation.
Southgate, le calme Anglais
"Gareth Southgate n'a rien dit de différent, il a cette qualité unique de rester calme et cela se transmet à l'équipe" , expliquait John Stones en conférence de presse, vendredi 9 juillet. George Boateng, qui a joué avec et sous les ordres de l'actuel sélectionneur à Middlesbrough, détaille la méthode Southgate pour Sky Sports :
"Gareth dit aux joueurs, en gros : "toute la pression, je la prends pour moi." Il est très calme, relax, il ne panique pas. Gareth donne le sentiment que le gars qui joue le moins est aussi important que la star de l'équipe. Il prenait toujours de son temps pour parler avec les remplaçants, les réservistes..."
George Boateng à propos de Gareth Southgate
Southgate et ses fidèles
La grande force du "gourou" Southgate est de s'appuyer sur des disciples dévoués corps et âme à leur sélectionneur. Devenu remplaçant à Manchester City, Raheem Sterling a toujours été maintenu dans le onze par Southgate. Harry Kane, quasiment invisible lors des quatre premiers matchs des Three Lions à l'Euro, a été reconduit à chaque fois. Jordan Pickford, très contesté, a gardé sa place dans les cages, pour le succès qu'on connaît (un seul but encaissé depuis le début de l'Euro). En octroyant une telle confiance à des joueurs rongés par le doute, Southgate s'assure des soldats prêts à tout donner pour leur "mécène" .
"Je ne peux pas exprimer tout ce que je ressens pour Gareth et dire ce qu'il a fait pour moi et cette équipe" , confiait un Harry Maguire reconnaissance en conférence de presse, vendredi 9 juillet. Incertain pour l'Euro, le défenseur central de Manchester United avait malgré tout été convoqué par Southgate. Après avoir raté les deux premiers matchs, "Air Maguire" a repris sa place comme si de rien n'était.
Mancini, feu d'artifice sous contrôle
Roberto Mancini, lui, a davantage charmé son groupe par sa philosophie de jeu enthousiasmante. Mais l'ancien entraîneur de Manchester City a aussi conquis les coeurs par son approche humaine. Lors du troisième match de groupe, alors que la Squadra Azzurra était déjà qualifiée, il a permis à l'ensemble de ses joueurs (à l'exception du gardien) de prendre part à la compétition. Salvatore Sirigu, la doublure de Gianluigi Donnarumma, a ainsi eu droit à son entrée en jeu contre le pays de Galles (1-0). Et comme l'a révélé Giorgio Chiellini pour le site de l'UEFA, Mancini n'est pas qu'un redoutable tacticien. Il a aussi ce côté prophète qui inspire ses disciples à marcher dans ses pas :
"Atteindre la finale est un rêve que nous poursuivons depuis depuis trois ans. Un rêve que notre entraîneur nous a lentement fait entrer dans la tête jusqu'à ce qu'il devienne réalité. Au début, lorsqu'il nous a dit qu'il avait l'idée de gagner l'Euro, nous avons pensé qu'il était fou. Et puis il a créé un collectif qui est maintenant sur le point d'atteindre ce rêve. Comme il nous l'a répété après chaque match, "un centimètre à la fois". Et maintenant, il ne reste que le dernier centimètre..."
Giorgio Chiellini pour le site de l'UEFA
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Mancini et Southgate n'ont plus qu'à se battre pour la place de meilleur guide. Mais leur mission est d'ores et déjà un succès.