Une phase de poules laborieuse, un sélectionneur qui n'hésite pas à sacrifier son potentiel offensif pour préserver l'équilibre de son équipe, une impression de maîtrise à toute épreuve... L'Angleterre est-elle en train de réussir, trois ans plus tard, ce que la France avait accompli pour aller au bout de la Coupe du monde 2018 ? Le sélectionneur Gareth Southgate semble avoir compris la recette. Il avait déjà tenté de l'appliquer en 2018, et il paraît avoir trouvé sa quintessence à l'Euro 2020.
Potentiel offensif inexploité et critiques d'entrée
La France 2018 et l'Angleterre 2021, ce sont tout d'abord deux armées de guerre dont on attend monts et merveilles en attaque... mais qui brillent avant tout par leur défense. Avec Kane, Sterling, Foden, Sancho, Rashford, Grealish et Saka en attaque, la presse et les fans anglais attendaient presque de leur équipe qu'il marquent 4 buts à chaque match. Ce qui a été le cas en quart de finale contre l'Ukraine (4-0). Mais avant, les Three Lions n'ont pas régalé les observateurs. Ils se sont contentés d'être réalistes, marquant sur leurs temps forts. Le bilan a d'ailleurs été particulièrement décevant en phase de groupe, avec deux buts en trois matchs.
Deux victoires poussives par un but d'écart, un match nul sans but et un avant-centre qui ne marque pas : le même bilan que la France au Mondial 2018 en phase de groupe, malgré un 4-2-3-1. Avec les mêmes critiques adressées à Gareth Southate. "Nous n'avons pas fait assez pour gagner à la fin" , soulignait Southgate après le triste match nul contre l'Ecosse (0-0). "Mais il s'agit d'un tournoi, et c'est crucial de ne pas perdre quand on n'arrive pas à gagner. C'est difficile quand les fans vous poussent à vous ruer à l'attaque et abandonner tout équilibre. Un point, c'est toujours un pas en avant pour la qualification."
Equilibre et adaptabilité : les maîtres mots de l'Angleterre
Gareth Southgate est un pragmatique, comme Didier Deschamps. La manière importe peu du moment que le résultat est au rendez-vous. Qu'importe le potentiel offensif impressionnant. Southgate n'est pas prêt à sacrifier la solidité de son équipe pour satisfaire les partisans du beau jeu. Et le parcours de l'Angleterre dans cet Euro lui donne raison. Les Three Lions sont en demi-finales et n'ont toujours encaissé aucun but, une première historique dans l'histoire de l'Euro. Les choix "hérétiques" de Southgate (le statut de remplaçant de Grealish et Rashford, les 6 petites minutes de jeu de Sancho avant le quart de finale), avaient peut-être du bon, finalement... Le sélectionneur n'a que deux totems : sa doublette de milieux centraux très sûrs défensivement (Rice et Phillips), et son milieu offensif qui se démène dans le travail de l'ombre (Mount). Pas le trio le plus évident, mais assurément le plus cohérent.
C'est un fait : l'Angleterre n'est pas l'équipe la plus enthousiasmante de l'Euro. Elle n'a pas d'identité bien définie comme l'Italie ou l'Espagne. Et c'est aussi en cela qu'elle ressemble à la France de Didier Deschamps. Les Three Lions ne cherchent pas à imposer leur style de jeu à l'adversaire. Ils s'adaptent surtout à ses forces et ses faiblesses. En huitième de finale contre l'Allemagne (2-0), Southgate a ainsi délaissé son 4-2-3-1 pour proposer le même 3-4-3 que la Nationalmannschaft. Le sélectionneur aligne toujours le profil de joueur qui lui semble convenir le mieux pour embêter l'adversaire. Walker, James et Trippier ont ainsi tous eu leur chance dans le couloir droit de la défense. De même que Foden, Saka et Sancho un cran plus haut.
Un master de maîtrise
C'est surtout l'impression de maîtrise, à la fois au niveau du jeu et des émotions, qui ressort pour qualifier cette Angleterre. Et tout le mérite en revient encore une fois à son sélectionneur, qui passe son temps à éteindre tout début d'enflammade. Southgate se définit lui-même comme un "party-pooper", un rabat-joie. Il ne s'accorde jamais le droit d'être satisfait, et l'interdit aussi à ses joueurs tant qu'ils n'ont pas atteint leur objectif final : le sacre européen. "On est venus ici avec un objectif qui n'est pas encore atteint" , martelait Southgate après la victoire contre l'Allemagne en huitièmes. Même discours, quasiment au mot près, après la démonstration contre l'Ukraine : "on n'a pas encore atteint le stade de la compétition auquel on veut être."
Et à force d'asséner le message, les joueurs l'ont parfaitement imprimé. "On n'a rien fait pour le moment " , balayait Harry Maguire après l'Ukraine. La demi-finale de l'Euro 2020 contre le Danemark, ce mercredi, est le bon moment pour voir si un cap psychologique a définitivement été franchi. Cela fait depuis 1966 que l'Angleterre n'a plus atteint la finale d'une grande compétition internationale. Effacer cette triste série serait déjà un immense accomplissement pour Southgate et ses hommes. Mais ce n'est pas de ça dont ils se contenteront...