Après le dernier match de l'année de l'équipe de France contre la Finlande (2-0), mardi 16 novembre, un petit retour en arrière s'impose. Il y a un an, les Bleus disputaient déjà l'une de leurs ultimes rencontres de 2020 contre... la Finlande. Mais s'agissait-il vraiment de l'équipe de France ? On aurait presque du mal à le croire, tant la formation de Didier Deschamps a changé en un an...
Ce jour-là, il n'y avait pas encore de Karim Benzema, pas de Theo Hernandez ni de Jules Koundé. La France évoluait dans un étonnant 4-4-2 à plat. Les titulaires se nommaient alors Steve Mandanda, Steven Nzonzi, Marcus Thuram, Moussa Sissoko (au poste d'ailier droit) et Olivier Giroud.
Aujourd'hui, ces noms font partie du passé. Un Euro désastreux est passé par là, forçant Didier Deschamps à en tirer les leçons et à inventer de nouvelles choses pour redresser une équipe de France qui semblait avoir perdu tous les repères de son sacre mondial de 2018. Les Bleus se sont ainsi lancés dans un nouveau cycle, portés par un nouveau système (le 3-4-1-2) et de nouveaux joueurs pour le servir. Mais si la façade a retrouvé de son éclat, lustrée par un duo Karim Benzema - Kylian Mbappé enchanteur, les fondations restent fragiles et ont encore besoin de temps pour se mettre en place. Alors pour attaquer 2022 au mieux, les Bleus peuvent se servir de tout ce qu'ils ont vécu en 2021.
Karim Benzema, le retour du géant
Sans conteste l'un des événements les plus marquants de l'année, et des dernières années tout court. Le retour de Karim Benzema en équipe de France, le 18 juin dernier et après cinq ans de purgatoire, a complètement chamboulé les Bleus. Et pas uniquement de manière positive. En un battement d'aile, l'équipe de France est passée de la tour de contrôle Olivier Giroud en attaque à l'insaisissable et déroutant "KB9". Un changement radical qui a fortement perturbé les Bleus, comme le soulignait Giroud lui-même. Après seulement deux matchs de préparation pour amorcer cette nouvelle ère, l'équipe de France s'est logiquement viandée à l'Euro, malgré tous les efforts du revenant (4 buts en 4 matchs).
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Au fil des matchs, l'équipe de France apprend de mieux en mieux à jouer avec Benzema. Et l'attaquant de 33 ans, lui, ne cesse de se sublimer encore davantage. Après l'Euro, il a ébloui le Final Four de la Ligue des nations par ses éclairs de génie contre la Belgique (3-2) et l'Espagne (2-1). Et s'il fallait une nouvelle preuve que cette équipe est totalement dépendante de lui, il l'a fournie contre la Finlande. Son entrée en jeu a métamorphosé des Bleus amorphes, qu'il a encore tirés vers le haut en ouvrant le score. Jusqu'où peut-il mener les Bleus ? Très loin, si ça ne tenait qu'à lui...
Didier Deschamps s'est réinventé... mais attention à la rechute
Engoncé dans ses principes, assez réfractaire au changement, Didier Deschamps pensait peut-être que l'équipe de France surferait sur son statut de championne du monde et que le talent de Karim Benzema ferait le reste pour triompher à l'Euro. Mais le sélectionneur n'a pas su anticiper (ou pire, remarquer) les maux de son équipe... Ce qui a abouti au crash contre la Suisse.
Pire : à l'image de ses joueurs, Deschamps a donné l'impression de naviguer à vue, changeant de système comme de chemise en pleine compétition. Le timing de ces expérimentations reste évidemment impardonnable, mais sa volonté de trouver la bonne formule est louable. Et aujourd'hui, Deschamps récolte les fruits de ces essais.
Après avoir remis un système à trois défenseurs au goût du jour en septembre contre la Finlande (déjà), "DD" a enfin trouvé satisfaction. Et il n'a pas hésité à installer dans la durée ce 3-4-1-2 encore précaire. La suite lui a donné raison puisque c'est dans cette configuration que la France a remporté un nouveau titre - la Ligue des nations - et a validé sa qualification pour la Coupe du monde 2022. Et au-delà des résultats, les progrès ont aussi été instantanés dans le jeu.
Auparavant sans idées au moment de lancer ses offensives, l'équipe de France a trouvé de nouveaux chemins vers le but adverse grâce aux possibilités accrues à la relance offertes par une ligne de trois défenseurs, et grâce à l'utilisation enthousiasmante de la largeur via les pistons. Deschamps doit maintenant faire en sorte que cet OVNI dans la tradition tactique française devienne comme une nouvelle peau pour ses Bleus. Le défi reste immense, mais le sélectionneur a montré qu'il a su relever les premières étapes avec succès.
Les comètes Mbappé, Théo Hernandez et Coman ne doivent plus toucher terre
Il ne lui a fallu que quatre matchs pour inverser la tendance. Après un superbe Final Four de Ligue des nations, un quadruplé bluffant contre le Kazakhstan et un but décoiffant contre la Finlande, Kylian Mbappé a mis tout le monde d'accord. Une libération, pour celui qui était descendu de son nuage international depuis 2018, et dont la courbe déclinante avait brutalement dégringolé après son tir au but manqué à l'Euro cet été. Perturbé par son transfert raté au Real Madrid, Mbappé s'est remis sur les rails en vidant son sac lors d'une interview à cœur ouvert. S'il veut poursuivre sur sa lancée, le prodige de 22 ans devra veiller à ce que son avenir se règle rapidement d'ici l'été prochain...
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Au rayon des individualités qui sont sorties du lot, Theo Hernandez occupe lui aussi une place à part. Par sa simple présence dans le couloir gauche et ses qualités (percussion, précision des centres), le joueur de l'AC Milan a transformé le jeu de l'équipe de France. En seulement 4 sélections, oui ! Le temps qu'il lui a fallu pour claquer un but mémorable contre la Belgique (3-2) et aligner trois passes décisives, comme si de rien n'était. On a l'impression qu'il est là depuis toujours alors que son histoire ne fait que commencer.
Enfin, Kingsley Coman est un cas à régler, et vite. L'ailier du Bayern est beaucoup trop fort pour n'en faire qu'un simple remplaçant chez les Bleus, comme il l'a montré contre le Kazakhstan. Problème : il n'y a pas de place pour lui en attaque avec le trio Griezmann-Mbappé-Benzema. Faut-il alors l'installer à ce poste de piston droit où il n'a pas (encore) de repères ? Didier Deschamps va devoir rapidement trancher cette question, sous peine d'être de nouveau confronté à la frustration du joueur qui avait éclaté à l'Euro...
Le chantier du poste de piston droit
Ce poste de piston droit est justement l'un des plus gros casse-tête du sélectionneur. Aux yeux de Didier Deschamps, Benjamin Pavard reste le titulaire du poste, alors que le défenseur central de formation n'a fait qu'y empiler les naufrages. Et le principal intéressé a clairement laissé entendre que la greffe ne prendrait jamais. Léo Dubois, le n°2, ne donne lui non plus pas satisfaction. Quant à Kingsley Coman, il s'agit sans doute de l'option la plus sexy, mais aussi la plus risquée.
Alors que faire ? Si Deschamps veut aller au bout de sa logique avec son 3-4-1-2, la solution la plus légitime serait de faire appel à un spécialiste du poste. Cela tombe bien, il y en a un qui flambe et qui impressionne depuis un an et demi : Jonathan Clauss, le joueur de Lens. Et l'excuse de l'absence d'expérience internationale ne tient pas. Car après tout, Benjamin Pavard n'avait que onze matchs de Bundesliga au compteur lorsqu'il a été sélectionné pour la première fois en équipe de France, avant d'être propulsé titulaire sept mois plus tard lors de la Coupe du monde 2018...
Défense centrale, problème central ?
Un cran plus bas, les grands travaux restent également à faire, même si le problème saute moins aux yeux. En installant son système à trois défenseurs, Deschamps a bouleversé les petites habitudes de Raphaël Varane, Presnel Kimpembe et compagnie. Le placement, les distances, les circuits de passes... Tout était à revoir. Mais si cette arrière-garde new look s'en était bien sortie contre la Finlande en septembre, elle avait fait valoir toute sa fragilité contre la Belgique (2-3). Problème : il s'agissait de la ligne de trois (Koundé-Varane-Lucas Hernandez) que Deschamps souhaite a priori installer.
Blessé avant la mi-temps en finale de Ligue des nations contre l'Espagne, Varane n'a joué que deux matchs et demi dans cette configuration. Lucas Hernandez fait encore moins bien avec deux matchs. Koundé et Upamecano sont en progrès, mais ils manquent encore naturellement de repères. Ce vécu commun dérisoire suscite logiquement les inquiétudes à un an de la Coupe du monde. Et le pire, c'est que rien ne semble figé. A gauche, Lucas Hernandez ne semble avoir aucune marge sur Presnel Kimpembe. Et à droite, Jules Koundé pourrait être menacé par un Pavard qui pousse pour retrouver son poste de prédilection...
Retrouver de la maîtrise
Ce qui était hier la grande force de l'équipe de France est aujourd'hui moins évident. Certes, les Bleus se sont bien repris après un Euro qui a révélé leur fragilité. Mais ils ne semblent toujours pas avoir retrouvé cette puissance collective qui était leur marque de fabrique. En 2021, ce sont les éclairs de Paul Pogba et les exploits personnels de Karim Benzema et Kylian Mbappé qui ont tiré l'équipe de France vers le haut. L'an prochain, les Bleus devront retrouver une harmonie et une unité dans le jeu s'ils veulent redevenir la meilleure nation mondiale. Un joueur est la clé de cette équation : Antoine Griezmann. Le Madrilène est censé faire le lien entre le milieu et l'attaque, mais encore faut-il qu'il ait le ballon dans les pieds...
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Cette absence de maîtrise s'est notamment ressentie au tableau de score. Auparavant maîtres de leur destin, les Bleus ont passé leur temps à courir derrière leur adversaire en 2021. Ils ont ainsi concédé l'ouverture du score lors de 5 matchs consécutifs entre juin et septembre, puis deux nouvelles fois lors du Final Four de la Ligue des nations. Benzema et Mbappé ne seront peut-être pas toujours là pour jouer les sauveurs...
Les remplaçants de l'équipe de France ne donnent pas satisfaction
Contre la Finlande, les remplaçants avaient une opportunité unique de tenter de bousculer la hiérarchie. Le contexte était incroyablement favorable puisque l'absence d'enjeu leur laissait carte blanche. Toutes les prises de risque étaient tolérées, et même encouragées. Mais Léo Dubois, Lucas Digne, Moussa Diaby et Aurélien Tchouaméni n'ont pas su en profiter. Un mal récurrent en équipe de France, où les seconds couteaux se montrent souvent décevants. Le constat est frappant si l'on se repenche sur ce fameux 0-2 contre la Finlande, il y a un an.
A l'époque, Dubois et Digne étaient déjà de la partie, tout comme Lenglet et Ben Yedder. Les choses n'ont pas beaucoup avancé pour les deux premiers. Le défenseur du Barça s'est lui noyé à l'Euro, tandis que l'attaquant de Monaco brille par sa discrétion. Avant eux, Thomas Lemar et Ousmane Dembélé n'ont jamais réellement apporté d'impact malgré la patience de Deschamps.
Pour le sélectionneur, il est temps de s'attaquer frontalement à ce problème. A un niveau aussi élevé, les doublures doivent être de vraies alternatives et doivent répondre présent dès qu'on fait appel à elles. Aurélien Tchouaméni en est le meilleur exemple, malgré sa dernière performance timide. Les totems d'immunité attribués à Dubois, Lenglet ou Ben Yedder doivent prendre fin, d'autant qu'ils ne répondent même pas à une logique sportive. La France ne manque pas de candidats qui brûleraient d'avoir leur chance, comme William Saliba, Christopher Nkunku ou Amine Gouiri. Comme l'a montré Tchouaméni, il suffit simplement d'un petit essai pour en avoir le cœur net...