"En amour, il y en a toujours un qui souffre et l'autre qui s'ennuie"
Cette charmante maxime de Honoré de Balzac le serait encore plus s’il existait cette fameuse réciprocité entre le club des Girondins de Bordeaux et ses supporters. En l’état, celui qui souffre et celui qui s’ennuie sont finalement une seule et même personne : le supporter. Toujours présent dans les moments difficiles, inquiet au moindre incident, chanteur à temps partiel quand il faut aider son tourtereau à donner le maximum sur le terrain… Le supporter aurait bien aimé recevoir plus d’amour lors de cette édition 2021-2022 du championnat de France de Ligue 1. Si aimer, c’était regarder dans la même direction, il semblerait que le club n’ait pas réussi à accompagner le regard de ses supporters. Et en parlant de direction, peut-on légitimement porter celle de Bordeaux responsable du fiasco qui semble conclure une réalité marquée ?
En 2018, M6 et Nicolas de Tavernost prennent la décision de vendre les Girondins à un fonds d’investissent américain (GACP). Lors de l’audience entérinant sa vente, Joseph Da Grosa Jr. avait assumé ne vouloir utiliser le club que dans un but lucratif. Alain Juppé, pas inquiet pour Bordeaux tant que le loyer du stade sera payé, assure que l’entreprise girondine est entre de bonnes mains. Depuis, la catastrophe. Les investisseurs américains ont récupéré un club qui jouait encore l’Europa League. Trois saisons, une 14e et deux 12es places plus tard, les Girondins sont de nouveau vendus. Après un été 2021 extrêmement perturbé, c’est finalement Gérard Lopez qui empoche la mise. Très rapidement, beaucoup l'élèvent en sauveur.
Et sur le moment, beaucoup l’ont compris comme tel. Il est vrai que sans son réinvestissement dans le club, celui-ci aurait pu ne pas revoir l’élite lors de la saison qui suivait (2021-2022). Toutefois, quel est le bilan ?
Bordeaux fonce en Ligue 2
La saison 2021-2022 est, en tout point, catastrophique. L’arrivée de Vladimir Petkovic le 27 juillet 2021, à seulement une dizaine de jours de la première journée de Ligue 1, a largement divisé les supporters. Un coup de communication lié à l’élimination des Bleus par la Suisse à l’Euro 2021 ? Une décision purement sportive ? Quoi qu’il en soit, il fallait faire front avec tous les acteurs du club. Problème, il aura fallu attendre 1 mois et 10 jours pour voir les Girondins de Bordeaux remporter leur premier match. C’était face à Saint-Etienne, sur une flaque d’eau immense (victoire 1-2) à Geoffroy-Guichard.
Alors que le chantier en défense était grand, il va le devenir encore plus à la trêve hivernal. Les recrues dans ce secteur, comme Gideon Mensah, Ricardo Mangas, Timothée Pembélé, Stian Rode Gregersen, n’ont pas réussi à faire oublier les maux de la saison précédente. Avec 43 buts encaissés à la trêve de mi-saison, les Girondins de Bordeaux sont partis pour de nouveaux records…
Et quoi de mieux pour représenter une saison catastrophique sur tous les points que la fin d’une série historique ? Le 7 janvier 2022, un Bordeaux décimé par les blessures et les cas de COVID-19 s’incline à domicile face au rival marseillais. La fracture devient de plus en plus profonde entre les joueurs et les supporters. Toutefois, garder une série d’invincibilité à domicile, longue de 44 ans, aurait-ce toujours la même saveur si le club était condamné à l’antichambre de la Ligue 1 ? Si la question de la descente en deuxième division ne se pose pas encore officiellement, les dirigeants, par l’intermédiaire de Gérard Lopez et Admar Lopes, décident de se renforcer. Avec une des pires défenses d’Europe - voire la pire -, le chantier est simple : trouver un entraîneur plus pragmatique et recruter.
Le 17 février, quelques jours après les recrutements en défense de Marcelo arrivé libre de l’OL, de Joshua Guilavogui arrivé en prêt de Wolfsburg et d’Anel Ahmedhodzic en prêt depuis Malmö, David Guion est nommé entraîneur des Girondins de Bordeaux. L’objectif est simple, retrouver une solidité défensive certaine et permettre au club d’empêcher la relégation. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Le cataclysme de la fin de saison
Les matchs des Girondins de Bordeaux cette saison ont été répétitifs. Une défense perméable ou un manque de chance. Quand les deux paramètres décident de joindre leurs mains, le destin du club se dessine en une seule et même forme : un chemin tracé vers la Ligue 2. En outre, des problèmes extra-sportifs sont venus interférer dans le travail orchestré par David Guion. Benoit Costil revient finalement d’une longue blessure contracté fin janvier. Toutefois, les Ultramarines, menés par Florian Brunet, s’embrouillent avec le portier bordelais. Finalement, ce sont des accusations de racisme envoyées par les uns, et de « vendus » par l’autre, qui vont avoir raison de la titularisation de Costil.
Relégué sur le banc, c’est Gaëtan Poussin qui conserve le poste qu’il avait acquis le 23 janvier. Titularisé, il encaissera 26 buts en 11 matchs de Ligue 1. La déroute face à l’OL était symptomatique de la saison des Girondins de Bordeaux : au moindre accident, l’équipe s’écroule. En outre, Bordeaux a littéralement perdu 12 fois cette saison après avoir mené au score.
A l’issue de la 34e journée de Ligue 1 et une énième claque reçue par les joueurs (défaite 5-3 face à Nantes après avoir mené trois fois au score), les espoirs sont désormais infimes de se maintenir dans l’élite. Le nul face à Saint-Etienne alors que Bordeaux gagnait 2-0 puis la défaite face à Nantes auront probablement raison de l’existence du club mythique des Girondins de Bordeaux dans le plus haut niveau du football français. La faute à qui ? A un Gérard Lopez absent, a une politique sportive ratée ? A des joueurs laxistes, parfois nonchalants ? Aux supporters ayant sorti des accusations graves à un moment où l'on prônait l'union ?
Quoi qu’il en soit, il est impossible de revenir dans le passé. Et le présent, ressemble de plus en plus au futur que beaucoup de supporters s’imaginent : une saison en Ligue 2. Et pour l’occasion, nous nous sommes demandés si faire un séjour dans l’antichambre de la Ligue 1 était une solution viable pour la survie du club.
La relégation de Bordeaux : reculer pour mieux sauter ?
Il pourrait être plaisant et rassurant de croire qu’un club aussi mythique que celui des Girondins de Bordeaux ne peinerait pas à remonter dans l’élite du football français. Pourtant, les exemples de grands clubs qui ont tout perdu et n’ont pas réussi à revenir sont pluriels.
Strasbourg. D'abord relégué en National en 2010, puis une perte de son statut professionnel un an plus tard à cause d’une liquidation judiciaire, a mis 6 longues années à retrouver la Ligue 1. Auxerre, descendu en L2 à l’issue de la saison 2011-2012 n’est encore jamais remonté. Sochaux - même cas depuis 2014 - végète en deuxième division depuis. A contrario, d’autres exemples de descente puis remontée existent. C’est le cas de Toulouse, racheté au moment de sa relégation en 2020. En effet, le Téfécé va retrouver les terrains de la Ligue 1 deux saisons plus tard. L’ESTAC est aussi connu pour faire l’ascenseur régulièrement entre les deux premières divisions. Il est de toute évidence difficile de se projeter, même avec les Girondins de Bordeaux. En outre, L’Equipe publiait dernièrement un article sur le plan de Gérard Lopez en cas de descente en Ligue 2.
Et ce plan est pour le moins effrayant. Sportivement, l’idée serait de remonter instantanément en Ligue 1. Pour cela, il faut une colonne vertébrale autour de certaines recrues arrivées cette année (Ignatenko, Ahmedhodzic…). Encore faudra-t-il les convaincre de rester. En outre, Lopez déclenchera un plan social : une centaine d’employés perdront leur travail. L’objectif de la direction sera de passer de 107 millions d’euros de budget à « seulement » 30 millions. Et même ce budget, si tant est qu’il soit atteint, sera encore plus élevé que celui de Toulouse au moment de sa descente. Le risque est grand, mais il semblerait que tout sera tenté pour remonter le club en seulement une année.
Mais dans ce cas, quid d’un échec ? Que deviendra le club si les Girondins de Bordeaux ne parviennent pas à remonter en Ligue 1 dès la première saison ? Avons-nous des certitudes que ce dernier sera encore géré par Gérard Lopez d’ici là ? Pour savoir, nous avons organisé un sondage sur Twitter, afin de demander à des supporters girondins si un séjour en Ligue 2 était une bonne solution ou non. Sur 1552 votants, près de 49 % d’entre eux ont voté « oui » à la question « un séjour en Ligue 2 serait-il une bonne solution ? ». 38 % ont voté non, tandis que 13 % n’ont pas voulu se prononcer - certainement par curiosité des réponses.
Etant donné la singularité de la situation des Girondins de Bordeaux, qu’elle soit sportive ou financière, il est difficile de se projeter. Toutefois, on peut légitimement se dire qu’il n’y aura jamais aucune garantie qui fixera l’avenir d’un club de Ligue 2. Quel qu’il soit. En outre, le présent biaise probablement l'idée que l'on peut se faire de l'antichambre de l'élite. Mais quand on parle de la Ligue 2 au futur, il faut prendre des gants, des pincettes, et des précautions.