On croyait l'exploit inimitable. Et pourtant, le Bayern l'a fait. En décrochant la Coupe du monde des clubs aux dépens des Tigres d'André-Pierre Gignac (1-0), jeudi 11 février, le géant bavarois a réalisé le sextuplé. Soit six trophées remportés lors des six compétitions disputées. Cette prouesse majeure, seul le Barça de Pep Guardiola l'avait déjà réalisée en 2009. Voilà donc ces deux équipes XXL réunies sur le toit du football mondial. Peut-on les départager ?
Le Barça, la "meilleure équipe de l'histoire" ?
Pour certains, le débat n'a pas lieu d'être : le Barça 2009 serait "la meilleure équipe de l'histoire". A l'époque, peu d'équipes avaient autant marqué les esprits dans le passé que ces Blaugrana tout feu tout flamme. Une possession de balle sans partage, des mouvements d'une fluidité rarement atteinte, une alchimie collective irréelle portée par des individualités d'exception (Messi, Iniesta, Xavi, Eto'o, Henry etc)... Ce Barça a souvent donné une double impression de maîtrise et de flamboyance inarrêtable. Pourvu d'un effectif de rêve, le bizuth Pep Guardiola (qui n'avait jamais entraîné d'équipe première !) a réussi à insuffler une marque de fabrique éternelle à ce Barça, dynamitant le jeu de possession pour l'associer au concept de "chaos organisé".
Les fans du Barça rappellent aussi avec malice que leur sextuplé a été réalisé lors de la seule année 2009, et avec le format classique de la Ligue des champions. Les Bavarois, eux, ont dû attendre 2021 pour ajouter une sixième breloque à leur collection. La faute à la pandémie de Covid-19, qui a aussi contraint à revoir le format de la phase finale de Ligue des champions.
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Mais pour les aficionados des Blaugrana, le Barça de 2009 n'a pas besoin de ça pour remporter le petit jeu des comparaisons. Ils préfèrent mettre en avant les chefs d'œuvre footballistiques récités par leur équipe de cœur. En Liga, la démonstration sur les terres du Real Madrid (6-2), notamment, a fait l'effet d'une onde de choc. Les Blaugrana termineront la saison avec 105 buts marqués et seulement 35 encaissés. En Ligue des champions, le parcours fut tout aussi rutilant : 13 matchs, 32 buts marqués et 13 concédés. Avec une victoire sans appel face au Manchester United de Sir Alex Ferguson en finale (2-0)... et un 5-1 (score cumulé) infligé au Bayern en quarts au passage.
Quand Messi, Xavi, Iniesta, Puyol et les autres ne font qu'un
Derrière une telle suprématie, il y a forcément un ou deux noms majeurs à sortir du lot. Mais c'est ce qui fait toute la beauté et la force de ce Barça. Comment ne citer qu'un Lionel Messi (Ballon d'Or à la fin de l'année) ou un Andrés Iniesta sans mentionner Xavi, Samuel Eto'o (36 buts lors de la saison 2008/2009), Sergio Busquets, Carles Puyol, Thierry Henry, Dani Alves, Victor Valdés... ? Le Barça de 2009 est un tout, le syncrétisme d'une dizaine de génies et de monuments au service d'une cause commune.
Je suis sûr qu'avec un autre groupe de joueurs, je ne parlerais pas en qualité de champion. Mais avec un autre entraîneur, ils auraient été champions. Leur talent, leur humilité et leur volonté à travailler ont été essentiels. Nous avons disputé tellement de matches que nous n'avons pas eu le temps de profiter de nos succès.
Pep Guardiola, après le titre de champion d'Espagne en 2009
- L'équipe-type : Víctor Valdés - Dani Alves, Piqué ou Rafa Márquez, Puyol, Abidal - Busquets ou Yaya Touré, Iniesta, Xavi - Eto'o, Messi, Henry.
- Les remplaçants notables : Seydou Keita, Sylvinho, Bojan, Gudjohnsen, Pedro.
Le Bayern, meilleur remède anti-déprime
L'empreinte laissée par le Bayern de 2020 restera peut-être moins ancrée que celle du Barça. Il faut dire que l'ogre bavarois a été le roi d'une année étrange, celle marquée par la pandémie de Covid-19. Une année où le football a été relégué au second plan, avec des matchs à huis clos sans saveur.
Mais c'est aussi tout à son honneur, pour le Bayern, d'avoir laissé une telle impression dans des conditions aussi défavorables à la pratique du football. Sans son chaud public pour le pousser, étouffé par les protocoles sanitaires anti-Covid, le Bayern a atteint des sommets de jeu et de passion qui auraient déjà semblé exceptionnels en des temps normaux.
Plus de titres gagnés que de matchs perdus pour Flick
Encore plus bluffant : le Bayern a subi une vraie crise en cours de saison. Suite au licenciement de son entraîneur Niko Kovač, après une déroute face à Francfort (1-5) en novembre 2019, les Roten semblent repartir de zéro. Le Bayern confie alors l'intérim à Hansi Flick... qui n'avait lui non plus jamais dirigé de club pro ! La suite est connue, avec un conte de fées qui dure toujours. Une formule résume toute l'œuvre de Flick : depuis son intronisation, il a remporté plus de titres (6) qu'il n'a perdu de matchs (5)...
La principale contribution de l'ancien adjoint de l'Allemagne championne du monde 2014 est d'avoir instauré une mentalité hors normes. Flick a métamorphosé des (excellents) joueurs en perte totale de repères et avec le moral dans les chaussettes en morts de faim, en chiens fous qui ne s'arrêtent de marquer sous aucun prétexte. Que le Bayern soit tenu en échec ou mène par 4 buts d'écart n'a aucune importance : il faut jouer comme s'il y avait 3 buts à remonter à 5 minutes de la fin.
Insatiable, inarrêtable Bayern
Ce leitmotiv est la base du 8-2 d'anthologie infligé au Barça en quart de Ligue des champions. Pendant tout le match, le Rekordmeister n'a cessé d'attaquer, d'attaquer pour donner toujours plus d'éclat à son triomphe. Ce Bayern n'a aucune pitié, comme il l'avait déjà montré sur les pelouses de l'Etoile rouge de Belgrade (6-0) et de Tottenham (7-2), ainsi qu'en Bundesliga avec une saison à 100 buts.
Une mentalité qui explique aussi l'invraisemblable série de victoires d'affilée des Roten. Entre le 9 février 2020 et le 27 septembre 2020, le club bavarois a enchaîné 23 victoires consécutives. Du jamais vu dans les cinq grands championnats européens. Le Bayern est aussi devenu le premier club à remporter la Ligue des champions en gagnant tous ses matchs.
La bande à Lewandowski et Neuer
Au niveau des joueurs, certains grands noms reviennent avec plus d'insistance. Robert Lewandowski, évidemment, auteur de 47 buts en 44 matchs en 2020, ainsi que Manuel Neuer, insolent de facilité dans les cages. Mais aussi Joshua Kimmich, l'empereur du milieu, ou Thomas Müller, meilleur passeur décisif sur une saison dans l'histoire de la Bundesliga (21 offrandes).
- L'équipe-type : Neuer - Pavard, Boateng, Alaba, Davies - Kimmich, Alcántara ou Goretzka - Gnabry, Müller, Coman - Lewandowski.
- Les remplaçants notables : Lucas Hernández, Süle, Tolisso, Coutinho, Perišić.
L'idée de Guardiola pour trancher le débat
Entre le Barça 2009 et le Bayern 2020, donc, il y a quelques similitudes mais aussi onze ans d'écart et des contextes très différents qui rendent toute comparaison trop hasardeuse. Et si le moyen le plus original de trancher le débat (à défaut d'être le meilleur) était de réunir les deux équipes pour une dernière "finale" au sommet ? Avec un improbable septuplé en jeu ?
C'est en tout cas l'idée malicieuse qu'a soumise Pep Guardiola, avec beaucoup de dérision, juste après le sixième trophée amassé par le Bayern, jeudi 11 février. Dans une vidéo relayée par le compte Twitter du club bavarois, l'actuel manager de Manchester City met son homologue Hansi Flick au défi d'accepter sa proposition.
Toutes mes félicitations pour ce succès. Bravo à toute la famille Bayern pour ce sixième trophée. Cependant, je tiens à dire à Hansi (Flick) que vous n’êtes que la deuxième équipe à réaliser cet exploit. Je pourrais donc contacter Messi et compagnie et l’on pourrait jouer un match pour déterminer le vainqueur du septième trophée. J’attends ta réponse.
Pep Guardiola, sur Twitter
Nul doute que Lionel Messi, Sergio Busquets ou Piqué voudraient relever le défi sans problème. En revanche, pour convaincre Eric Abidal ou Rafa Márquez (41 ans), ce sera une autre paire de manches !