Après une grosse déconvenue, il y a toujours deux types de voix qui se font entendre : ceux qui minimisent l'événement et ceux qui l'amplifient. Evidemment, les principaux concernés préfèrent opter pour la première option, comme une manière de se protéger et de se défendre. Et c'est ce que plusieurs Lyonnais ont fait, dimanche 7 novembre, après la déculottée infligée par Rennes à l'OL (1-4) en Ligue 1.
"Il y a toujours des moments où ça va moins bien, mais le groupe vit bien" , soulignait Maxence Caqueret. "Ça arrive, il n'y a rien de perdu" , affirmait de son côté le directeur sportif Juninho. "Perdre un match en prenant une leçon, c'est la vie, on prend des leçons tous les jours." Oui mais voilà, la fessée infligée par les Rennais a été tellement cinglante que la majorité des Gones n'a pas pu se défiler. Il a fallu s'expliquer, donner des réponses, rendre des comptes, pour éviter que la plaie se transforme en gangrène.
Les Lyonnais frappés au cœur
Par où commencer ? Pour Peter Bosz, l'OL a tout simplement "été mauvais à tous les niveaux." Mais en réalité, l'entraîneur néerlandais pensait connaître le cœur du problème : un manque d'envie incompréhensible dans les duels et les efforts. "On savait que c’était un match important, Rennes est avec nous dans la course à l’Europe. De quelle motivation les joueurs ont-ils besoin ?" Maxence Caqueret a d'ailleurs reconnu que lui et ses partenaires "n'avaient pas fait assez d'efforts pour récupérer le ballon." Etonnant, déroutant ? Pas pour le directeur sportif Juninho, qui a eu une désagréable impression de déjà-vu au Roazhon Park.
"On continue à avoir un problème, qu’on a depuis longtemps même si cela s’améliore. C’est qu’on a beaucoup de plaisir en ayant le ballon, mais on n’en a pas pour défendre quand on n’a pas le ballon. Dans le foot de haut niveau, il faut être méchant. Sinon, ça ne pardonne pas. Si tu rentres sans avoir ton cœur, ton envie, ton respect…"
Juninho en réaction d'après match
Et pourtant, l'OL connaît le problème...
Le constat de Juninho est intéressant car il permet de donner une autre dimension à la thèse de l'accident. Oui, les Lyonnais, qui ont presque toujours été supérieurs à leurs adversaires ces dernières semaines - même dans la défaite (face au PSG ou contre Nice par exemple) - ont connu un jour sans en terres bretonnes. Mais non, ce n'est pas la première fois que les Gones sont défaillants dans un secteur qui avait déjà été identifié comme un point faible, à entendre Juninho.
Les supporters de Lyon le savent mieux que personne : leur équipe est tellement capable du meilleur qu'elle tombe parfois dans la facilité. C'est cette facilité qui a engendré l'improbable remontada de Nice dimanche 24 octobre, mais aussi le match nul à la dernière seconde dans le derby face à Saint-Etienne (1-1) ou la remontée stupéfiante du promu Clermont (3-3) en début de saison. A l'époque, déjà, Peter Bosz avait enragé contre ses joueurs. "J'ai vu des choses qu'on ne voit pas chez les U12" , éructait l'entraîneur néerlandais. "On était 11 joueurs qui ont fait leur truc dans leur coin. "On n’a pas vu une équipe qui voulait gagner, et ça me dérange" , crachait-il encore après la correction contre Angers (0-3). A Lyon, les maux sont donc connus depuis longtemps, mais ils continuent de mener leur vie sans que personne n'arrive à les chasser...
Retrouver de l'unité dans la tempête
Le plus inquiétant est que ces efforts, cet engagement, cette volonté de multiplier les courses fait partie intégrante de la philosophie de jeu de Peter Bosz. L'entraîneur néerlandais est connu pour ses équipes coupées en deux, pour sa prise de risque assumée en phase offensive ; une stratégie qui se transforme en suicide lorsque ses joueurs n'y sont pas dans les courses ou les duels.
Pour l'OL, l'unique façon d'inverser la tendance est de retrouver une équipe "plus soudée" , comme l'a appelé Maxence Caqueret de ses propres vœux. Si ce genre de prestation contre Rennes a pu se produire, c'est que les joueurs ne sont pas toujours prêts à faire les efforts pour les autres. Et que les relations entre eux ne sont peut-être pas aussi idylliques qu'on veut le faire croire.
L'énorme savon passé par Jérôme Boateng à Léo Dubois (malgré son statut de capitaine !) et la prise de bec entre Houssem Aouar et Lucas Paquetá pour tirer un penalty anecdotique sont révélatrices d'un climat qui ne respire pas la concorde. Il faut d'ailleurs se rappeler que Lyon était déjà au bord de l'implosion en début de saison. Et c'était avant que les stars du mercato arrivent (Xherdan Shaqiri, Jérôme Boateng, Emerson), bénéficiant d'un statut qui peut générer des frictions et porteurs d'une vision des choses qui peut entrer en décalage avec les jeunes pépites lyonnaises. Peter Bosz a encore beaucoup de pain sur la planche pour faire adhérer ce beau petit monde à sa vision et transcender les différences...